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Race, racisme, racisé, privilège blanc, indigéniste… Comprendre ce qui se cache derrière les mots.

Dans un contexte politique tendu jusqu’à l’absurde par des crispations identitaires et les obscures accusations d’« islamo-gauchisme », il est plus que nécessaire de redonner un sens précis à des concepts souvent mal employés. Entretien éclairant avec la sociologue Sarah Mazouz.

Basta ! : Qu’est-ce qu’une personne raciste ? Est-ce similaire à « suprémaciste » ?

Sarah Mazouz  : Une personne raciste croit en l’existence de races, c’est-à-dire des groupes qui sont hiérarchisés, certains étant supérieurs à d’autres. Selon les contextes, cette hiérarchie s’opère en fonction de l’origine réelle ou fantasmée de ces groupes, de leur culture, de leur religion. Cela a toujours à voir avec l’altérité et l’infériorité supposées d’une origine ou d’une culture. Au nom de cette infériorité, on produit des races. Le suprémaciste, lui, pense qu’il est membre du groupe qui occupe une position supérieure dans cette hiérarchie. On peut penser par exemple au nazisme, avec les Aryens, supérieurs au reste de l’humanité, constituée de groupes considérés comme plus ou moins inférieurs.

Qu’est-ce qu’une personne « racisée » ?

Le terme « racisé » apparaît plus tard, dans le cadre de la réflexion sur l’idéologie raciste. Ce terme n’est pas utilisé par les racistes mais par les chercheurs. Il a été forgé par Colette Guillaumin (1934-2017), une sociologue et féministe française avec une formation de philosophe. En étudiant l’idéologie raciste, elle construit la notion de racisation : la façon dont des personnes et des idéologies vont construire et produire comme des races les groupes qu’elles dominent. Par exemple, la manière dont l’antisémitisme européen a construit les Juifs comme une race en leur attribuant des traits physiques qui seraient la manifestation de leur infériorité et de leur dépravation morale. Avoir été constitué de cette manière comme un groupe infériorisé, c’est cela être racisé.

Ces classifications peuvent changer selon les époques : des groupes racisés ne le sont plus ensuite. Dans l’histoire des États-Unis, les Irlandais n’étaient pas, au départ, pensés comme des blancs : étant catholiques, ils étaient considérés comme inférieurs aux protestants blancs, les white anglo-saxons protestants (Wasp). Les Irlandais ont ensuite progressivement acquis un statut de blanc. Déjà dans le contexte du Royaume-Uni, les Irlandais du Sud, du fait de leur catholicisme, étaient colonisés et pensés comme inférieurs….

« La démarche des études décoloniales consiste à interroger l’hégémonie culturelle de l’Occident. Ces recherches se concentrent sur la structuration géopolitique du savoir : des auteurs majeurs européens et états-uniens sont lus dans d’autres parties du monde, l’inverse n’est pas vrai. »

Et à l’inverse le « racisme anti-Blancs » ?

C’est un contresens, non pas parce qu’il n’y aurait d’expression de haine à l’égard des Blancs, mais parce que l’expression rend symétrique des conditions et des histoires qui sont différentes. Le racisme comme système politique d’oppression s’est fait au bénéfice de personnes définies comme blanches et aux dépens des autres…..

« La gauche doit défendre la constitution de coalitions ou de causes communes entre groupes opprimés. Elle doit parvenir à articuler trois pôles : la redistribution économique, les politiques de reconnaissance et les questions écologiques. »

Bastamag

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