Fdesouche

Chercheuse à la Fondation Jean-Jaurès, Chloé Morin publie un ouvrage sur la crise démocratique et ses symptômes, interrogatif : « Le populisme au secours de la démocratie ? ». Chloé Morin, experte-associée à la Fondation Jean-Jaurès, proche du Parti socialiste est une ancienne conseillère de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls à Matignon.

Le titre de votre livre peut sembler paradoxal. Le populisme est perçu par bien des responsables politiques comme une menace. Pour vous il pourrait plutôt être une opportunité, et venir au secours de la démocratie ?

Il faut rappeler que le populisme correspond à une notion de science politique qui a une histoire et une définition concrète [la défense du «peuple» contre «les élites» ]. Mais aujourd’hui, ce terme est utilisé pour disqualifier l’adversaire, et pour exclure des questions et des acteurs du débat public. Cela permet de taxer de déraisonnable certains interlocuteurs ou sujets.

C’est sur cette définition-là que j’interpelle, car il me semble que plus l’on cadenasse le débat public, plus les gens se détournent de cette sphère du débat raisonnable. Ils optent soit pour l’abstention, soit pour la transgression, à travers le vote populiste. Cela consiste à aller chercher des réponses que l’on ne trouve pas dans le champ dit « raisonnable », au sein des partis modérés. […]

Quelles sont les causes de cette crise démocratique que vous décrivez ?

Nous avons de plus en plus de mal à décider ensemble et à nous retrouver autour d’un projet commun, de faire des compromis. Parmi les nombreuses causes que j’évoque, il y a la question du partage du pouvoir. Nos systèmes de décision collectifs sont en partie obsolètes et ont été détournés par ceux qui détiennent le pouvoir aujourd’hui. […]

Il y a aussi la désintermédiation, avec l’effondrement des corps intermédiaires, comme on l’a évoqué lors de la crise des « gilets jaunes ».

Et il y a ce que j’appelle la tribalisation, c’est-à-dire le repli de chaque individu sur sa communauté de valeurs, de goûts, d’origine sociale ou géographique… Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène car ils facilitent l’organisation d’un entre-soi, à travers les bulles. Sur les réseaux sociaux, vous avez peu de chances de croiser des gens très différents de vous. Les espaces numériques ne sont pas faits pour débattre, les gens y vont pour s’affronter et s’insulter. Cela participe du délitement de l’espace de débat public, or c’est à travers la confrontation d’opinions très différentes que se construit la démocratie. On ne fait plus nation si l’on ne s’intéresse plus à l’autre. […]

msn/20 minutes

Fdesouche sur les réseaux sociaux