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Dans un quartier de l’Est parisien, quatre ados, tous âgés de moins de 14 ans, font la course en trottinette électrique autour d’un pâté de maisons depuis dix minutes.

Ces ados, Eric (professeur d’EPS d’un collège des environs) les connaît bien : ils fréquentent son établissement. Tous sont des mineurs de moins de 15 ans et ne disposent donc ni de carte bancaire ni de compte qui pourraient servir à payer la location des engins électriques. Pour rouler avec Lime, il faut impérativement avoir plus de 18 ans et utiliser un moyen de paiement pour créditer son compte client en ligne. Pourtant, «tous le font sans problème», observe le prof.

C’est par hasard, au cours d’une de ses classes, que deux élèves vont lui apporter des réponses. Ce jour-là, au fond de la salle de sport, Mathis et Younès ont les yeux rivés sur un téléphone depuis plusieurs minutes. Le professeur comprend immédiatement ce qui est en train de se jouer, montrant une capture d’écran de ce jour-là. On y voit un message concis, détaillant un numéro de carte bancaire, ainsi que sa date d’expiration et le numéro de vérification que l’on trouve au dos. Parmi les informations transmises, on trouve aussi le nom du propriétaire de la carte, une certaine Elizabeth J., et son adresse en Floride. «Ils utilisent tout simplement des cartes volées pour recharger les trottinettes», reconnaît le professeur, encore dépité de sa découverte.

La somme totale peut parfois atteindre jusqu’à 600 euros. «Sur les American Express, on peut payer seulement 5 euros. Les meilleures, ce sont les Mastercard. Quand elles fonctionnent, on peut aller jusqu’à 300, 400 euros», assure Younès, devenu expert bancaire. (…)

Au collège, le phénomène est devenu quasi incontrôlable pour les encadrants tant il a pris de l’ampleur. «Quand les messages tombent, il y a une grosse agitation, parce qu’il faut aller le plus vite possible», observe Eric. Selon les deux adolescents interrogés, plus des trois quarts des élèves des classes de troisième et quatrième sont présents sur le groupe et utilisent les cartes volées pour louer des trottinettes, ainsi qu’une dizaine d’élèves de cinquième et de sixième. Certains en ont même fait un business parallèle : ils rechargent des comptes Lime avec des cartes bancaires à hauteur de 100 euros, qu’ils revendent ensuite pour 20 euros à d’autres élèves.
«Ce qui signifie qu’avec un compte à 600 euros, tu peux faire rouler tout le quartier, c’est encore plus facile !» s’amusent les deux contrevenants. A les écouter, le phénomène n’est pas près de cesser. L’été arrivant, il faut tromper l’ennui. Cette année, ça sera en dévalant les rues sur des trottinettes électriques.

libe

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