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Mike Godwin : « L’anxiété actuelle vis-à-vis d’Internet est irrationnelle »

Dans un entretien au « Monde », l’un des rares accordés à la presse française, le juriste et historien d’Internet, père de la « loi » qui porte son nom, rappelle que quand un nouveau média de masse émerge, l’inquiétude succède généralement très vite à l’enthousiasme.

Juriste, spécialiste de la liberté d’expression, historien de l’Internet, Mike Godwin, 62 ans, s’est fait connaître par une maxime dite « loi de Godwin », qui est devenue l’emblème de la polarisation sur les réseaux sociaux : « Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1. »

Ancien avocat de l’Electronic Frontier Foundation et de la Fondation Wikimedia, pressenti pour siéger au conseil de l’Internet Society, l’association créée par plusieurs figures historiques du Net, Mike Godwin déplore le « backlash » (retour de bâton) actuel contre les entreprises technologiques.

Qu’est-ce qui vous a amené à concevoir la « loi de Godwin » ?

Je voulais que les gens prennent conscience de leur tendance à se lancer dans les comparaisons les plus extrêmes quand la discussion s’échauffe. Pour être tout à fait clair, j’ai inventé la « loi de Godwin », pas « le point Godwin » – cette expression s’est développée chez les francophones. Ceux-ci parlent de « point Godwin » quand ils atteignent, dans la discussion, le stade de la comparaison avec les nazis : ils se décernent mêmes des « points Godwin » par dérision ! J’apprécie cette inventivité linguistique mais, à ma connaissance, cette expression est propre aux francophones.

Vous avez énoncé cette loi en 1990, au tout début de l’Internet. Vous constatiez déjà une forte polarisation ?

La « loi de Godwin » est effectivement antérieure à l’Internet public moderne. J’étais en faculté de droit, je faisais des recherches sur les crimes de guerre et je suivais de près les forums de discussion. Chaque réseau avait sa propre culture.

En France, c’était le Minitel, aux Etats-Unis, les « BBS », les « bulletin board systems » : quelqu’un achetait un ordinateur, le connectait à une ligne téléphonique, et les gens appelaient et se laissaient des messages. Il y avait une grande soif de contacts sans intermédiaire, de communication plus rapide que le courrier mais dotée de plus de convivialité que le téléphone.

J’étudiais l’Holocauste, et je voyais les gens comparer leurs interlocuteurs à des nazis ou à Hitler. J’étais offusqué par cette banalisation de l’histoire, et je me suis demandé ce que je pouvais faire pour que le débat public évolue. J’ai pensé à un « mème » verbal – à l’époque, il n’y avait pas d’animations ou de GIF – qui inciterait les gens à s’y reprendre à deux fois avant de faire des comparaisons infondées. Comme j’avais étudié l’épistémologie, j’ai finalement inventé une formule qui « sonne » scientifique : c’est devenu la « loi » de Godwin sur les analogies nazies [elle est entrée dans l’Oxford English Dictionary en 2012].

[…]

L’article dans son intégralité sur Le Monde

 

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