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Par Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin

Certains citoyens, notamment européens, ont récemment dénoncé le goulag dans lequel Internet les enfermait. Il s’agissait, à la suite des révélations d’Edward Snowden, suivies d’autres, de montrer le contrôle qu’exercent dorénavant, y compris dans la vie quotidienne, les grandes agences de renseignements américaines et les “géants du web“, également américains, qui récoltent toutes nos données personnelles, et, entre autres usages, les mettent à disposition de ces agences.

Le phénomène n’est pas propre au monde dit “occidental”. Il se retrouve en Chine, en Russie, en Iran et autres lieux. Mais avec des moyens bien plus faibles et donc une ampleur bien moindre.

La pratique a montré depuis que lutter contre ce goulag, pour les rares militants qui le voudraient, est pratiquement impossible. Les maîtres du goulag en dominent toutes les filières, technologiques, sociologiques et commerciales. Le “hacking” ou pénétration clandestine des systèmes d’information, est réservé à une étroite minorité de contestataires branchés.

Par ailleurs il est de plus en plus utilisé à des fins malveillantes ou criminelles qui le rendent non recommandable.

La solution restant à ceux qui voudraient échapper à ce goulag serait de refuser d’utiliser Internet, ce qui serait pratiquement impossible compte tenu du rôle par ailleurs souvent utile que ce dernier a pris dans nos vies. En fait, constater l’omniprésence du goulag ne permettant pas d’y échapper, chacun s’y résigne et s’y résignera.

Un article de Thierry Berthier, spécialiste des stratégies de défense dans le monde des réseaux, et que nous publions par ailleurs dans ce numéro (voir “Objets connectés”) met en évidence que le goulag, loin de se limiter aux échanges sur Internet, s’étendra désormais à la presque totalité des objets multiples que nous utiliserons dans la vie professionnelle et domestique, ceci jusqu’aux plus simples, comme un réveil de chevet, un frigidaire ou un aspirateur.

Le développement des technologies d’identification, localisation et échanges dont seront progressivement dotés ces objets, la constitution de vastes réseaux intégrant les individus qui les utilisent et les centres de pouvoir qui en exploitent les données, donneront à chacun l’impression d’être de plus en plus enfermés dans un système global auquel ils ne peuvent échapper.

Il faut ajouter que, par ailleurs, l’Internet des objets fournira aux malveillants et criminels multiples des occasions de s’exercer bien plus aisées que celles consistant à pirater les grandes bases de données.

Comme le montre l’article, le piratage d’un réseau fut-il très limité de caméras de surveillance, de plus en plus utilisées par les collectivités et les individus, est désormais à la porté de n’importe quel programmeur un peu astucieux. Les protections les plus sûres, en ce domaine, seraient de ne rien relier à rien et de multiplier les acquisitions d’anti-virus anti-intrusions, sur le frigidaire et l’aspirateur, antivirus par ailleurs de plus en plus complexes et coûteux à utiliser.

Ajoutons que les citoyens animés de la louable intention d’échapper à ce nouveau goulag ne disposeraient d’aucune des bases observationnelles et des connaissances techniques spécifiques qui seraient nécessaires. Tout se passe comme si les études scientifiques du phénomène étaient, intentionnellement ou non, rendues impossibles.

La science impossible

Mais la capitulation de la science qui en résultera ne sera pas seulement limitée à la question des réseaux numériques et des agents qui s’y expriment. Nous reviendrons sur ce sujet très important. Pour désigner l’enchevêtrement des pouvoirs actuels, de plus en plus d’observateurs du monde contemporain emploient le terme de Système. Confrontés au besoin de définir ce qu’ils entendent par “le Système”, ils multiplient des analyses soit partielles, soit subjectives, qui ne permettent pas de construire ce que l’on pourrait nommer une Systémique d’ensemble.

Ceci bien évidemment parce que les “maîtres” du Système – il en existe certainement, fussent-ils eux-mêmes mal organisés et ne percevant pas toujours toute l’étendue de leurs pouvoirs – refusent de fournir les données nécessaires à la compréhension du Système. Par différents moyens, ils découragent toute étude un peu scientifique et générale du phénomène.

Étudier la science culinaire ou la paléontologie, dit-on aux jeunes gens. Mais ne cherchez pas à vous inscrire aux cours universitaires de chercheurs en systémique du Système, il n’y en a pas. Dans ces conditions il ne faut pas s’étonner s’il n’existe pas de sciences de l’anti-système… comme au contraire il existe par exemple des sciences de la lutte contre les maladies contagieuses.

Constater ce qui précède devrait inciter les scientifiques et les épistémologues à s’interroger sur les limites de ce que l’on appelle aujourd’hui la science, héritée tant des Newton et Darwin que de la physique quantique.

On pourrait penser que les capacités d’analyse dont dispose le cerveau des humains d’aujourd’hui sont aussi limitées, quand il s’agit d’étudier le Système dont nous parlons, que celles dont il dispose pour étudier le cosmos. Il s’agit de vastes ensembles, englobant et noyant les individus, qui pour cette raison n’ont pas le recul suffisant permettant de les décrire.

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