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En Émilie-Romagne, bastion de la gauche italienne depuis 40 ans, la Ligue de Matteo Salvini balaye les partis traditionnels italiens.
À Ferrare, la peur de l’immigration et du déclassement pousse une population vieillissante vers la Ligue.

Un dimanche d’octobre en début d’après-midi, le train de Bologne s’arrête à Ferrare. Cette ville du delta du Po est un joyau de la renaissance italienne, où régna, trois siècles durant, la famille d’Este. Pourtant, aucun signe d’un tel héritage sur le parvis de la gare, mais des jeunes Nigérians, filles et garçons, entre 16 et 20 ans, désœuvrés. Ils zonent, rivés à leur téléphone portable ou perchés sur leur vélo. […]

La verrue s’élève dans le quartier du GAD (acronyme de trois zones contiguës : Giardino, Arianuova et Doro), entre la gare et le stade, où règnent trafic de drogue et prostitution. À lui seul, ce quartier cristallise la colère et les peurs des habitants de Ferrare. Nicola Lodi, barbier de son état, a bien compris le parti qu’il pouvait en tirer pour attirer les électeurs vers son parti, la Ligue. Comme dans le reste de l’Italie, il a fait de l’immigration son cheval de bataille. […]

Et pourtant, « le GAD n’est pas un quartier dangereux, le problème c’est que les Nigérians sont identifiables », souligne Pietro Pinna, jeune historien, professeur à l’université de Bologne. D’origine sarde, il a grandi à Ferrare où il vit. « Avant c’étaient les Maghrébins qui tenaient le commerce de la drogue mais ils ne généraient pas la même peur. Il n’y avait pas cette connotation raciale. » […]

À la demande de ses parents vieillissants, Giovanna, 45 ans, installée à Vérone avec son mari et ses deux enfants, a accepté de revenir à Ferrare pour gérer l’exploitation agricole familiale. Son mari les rejoint le week-end. Sa sœur, vétérinaire, a quitté l’Italie pour la France, où les débouchés dans sa profession sont plus nombreux. Quand Giovanna fait le compte, plus de la moitié de ses camarades d’université a émigré. « Dans de nombreux secteurs, c’est la fuite des cerveaux et peu reviennent, même si la qualité de la vie italienne leur manque », dit-elle.

Parmi ses amies, peu ont des enfants, « ou un seul, et souvent tardivement. Il n’y a pas de crèche, ou celles publiques sont réservées aux migrants parce qu’ils ont de faibles revenus. Sans l’aide des parents ou grands-parents, une femme ne peut pas travailler. Et avec un seul salaire, c’est trop juste. »

Giovanna considère elle aussi qu’il y a trop de migrants à Ferrare, et déplore que les Nigérians ne fassent aucun effort pour s’intégrer et parler l’italien. Cet été, une bagarre entre eux a éclaté devant sa porte, en plein centre-ville.

En juillet, des bandes rivales nigérianes se sont affrontées à coups de machette et d’armes à feu dans un quartier périphérique. La presse en a fait ses choux gras. Mais elle ne croit pas que cette ville, bastion de la gauche bien que conservatrice, osera porter le candidat de la Ligue, Alan Fabbri, un jeune ingénieur, maire de la localité de Bondeno, à la mairie de Ferrara. « Ce serait vraiment radical. » […]

La Croix

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