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Y a-t-il en France un racisme anti-Blancs? C’est la question au cœur des Idées claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et franceinfo et destiné à lutter contre les désordres de l’information, des fake news aux idées reçues.

“Pendez les Blancs”, la chanson du jusqu’alors peu connu Nick Conrad a suscité un tollé récemment et a relancé les débats autour d’un racisme dirigé contre les Blancs. Une notion que l’extrême-droite tente de populariser depuis les années 1980 et qui est aujourd’hui largement reprise par la droite.

Mais cette notion suscite la polémique et le débat existe toujours entre ceux qui estiment que le racisme ne peut pas s’exercer contre les représentants d’une ethnie ou d’un peuple majoritaire, en l’occurrence les Blancs en France, et ceux qui pensent qu’il y a de plus en plus de violence de la part des Français issus de l’immigration.

En 2014, la Cour d’appel de Paris a retenu la circonstance aggravante de racisme dans le cas d’une agression où les insultes “sale Blanc” et “sale Français”avait été proférées. Peut-on alors parler de racisme anti-Blancs en France ?

C’est la question que nous avons posée à Éric Fassin, sociologue et professeur de sociologie à l’université Paris VIII .

Est-ce que le racisme anti-Blancs existe ?

“Le racisme anti-Blancs n’existe pas pour les sciences sociales, ça n’a pas de sens. En revanche c’est très présent dans le discours public, on en parle beaucoup : il y a un écart entre ce que racontent les disciplines scientifiques et ce dont on parle dans le débat public. Bien sûr, il peut y avoir des insultes, des agressions, mais est-ce qu’on a besoin d’appeler ça du racisme quand bien même on me dirait “sale Blanc” ? Les sciences sociales de ce point de vue sont très attentives à dire : si on commence à reprendre à son compte le discours de l’extrême-droite qui nous dit qu’au fond tous les racismes se valent, on est en train de nier la réalité de l’expérience d’une partie importante de nos concitoyens et concitoyennes. Et dire qu’au fond, traiter de “sale Blanc” ou traiter de “sale Noir” c’est la même chose, c’est faire comme si quand on dit “sale Blanc” ça résonnait avec toute une histoire, avec toute une expérience sociale ordinaire et avec tous les discours politiques. Je n’entends pas de discours politique anti-Blancs, je ne vois pas de discrimination à l’embauche ou au logement pour les Blancs, je ne vois pas de contrôle au faciès pour les Blancs. Donc les expériences sociales ne sont pas les mêmes pour tout le monde. ”

Pourquoi la justice reconnaît les agressions anti-Blancs alors ?

“Ce que fait la justice, c’est qu’elle dit c’est une circonstance aggravante, mais elle le fait depuis quand ? Depuis 2014 pour la première fois, et elle l’a fait à deux occasions. Alors pourquoi la justice dit-elle autre chose à partir des mêmes lois ? Parce qu’il y a un contexte. Dans les années 80, qui parlait de racisme anti-Blancs ? Jean-Marie Le Pen ou des proches du Front National. Qu’est-ce qui s’est passé à partir de 2005 ? C’est qu’on a eu par exemple le journal Le Monde qui a consacré un article au racisme anti-Blancs à l’occasion d’un affrontement qui avait mal tourné et on a eu un manifeste contre ce que les auteurs ont appelé une “ratonnade anti-Blancs”, c’est-à-dire reprendre un vocabulaire colonial pour l’inverser. Donc il y a ce contexte qui a pris de l’importance dans les années 2010, avec non seulement des personnalités politiques, comme Jean-François Copé, qui parlent de racisme anti-Blancs, mais aussi des associations antiracistes, en particulier la Licra qui va jouer un rôle important pour dire : “après tout on ne veut pas savoir la couleur des gens quand on se bat contre le racisme, tout cela c’est la même chose”. Ce qui rend possible pour la justice de commencer à considérer qu’il y aurait une circonstance aggravante lorsque on dit “sale Blanc”, c’est tout un contexte social.”

Dans certains quartiers les Blancs sont minoritaires donc il y peut y avoir du racisme ?

“Être minoritaire ce n’est pas seulement une question statistique, ce n’est pas “combien il y en a”, ce sont des rapports de pouvoir. Même si je suis dans un quartier où je suis le seul Blanc, ça ne veut pas dire que je vis en dehors de la société. Or je vis dans une société où si je regarde par exemple la liste des présidents de la République, le visage des ministres, je n’ai pas l’impression que les Blancs soient aujourd’hui une minorité, non seulement en termes de statistiques mais aussi en termes politiques. Qu’il soit parfois compliqué d’être minoritaire dans un quartier, bien sûr, mais est-ce que c’est ça le véritable problème ou est-ce que c’est le déclassement social que peut représenter le fait d’être mélangé aux plus pauvres des plus pauvres ? Aujourd’hui en France, l’expérience minoritaire c’est une réalité, il y a des gens qui risquent plus que d’autres, face à l’emploi, face au logement, face à la police.”

Comment qualifier l’insulte “sale Blanc” alors ?

“On peut appeler ça une agression.”

Merci à Thor

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