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Tribune. Dans une tribune publiée le 2 octobre par Libération, Stephen Smith souhaite débattre avec moi du contenu de son livre, la Ruée vers l’Europe. Il laisse entendre que j’aurais jusque-là refusé de discuter du fond. C’est tout le contraire. J’ai rouvert le débat en brisant le consensus qui s’était installé. Souvenez-vous : depuis la parution de son essai, en février, l’affaire était entendue, l’Afrique subsaharienne allait se «ruer» vers l’Europe, au point de constituer, en 2050, le quart de la population européenne, voire plus de la moitié chez les moins de 30 ans. C’était «inscrit dans l’ordre des choses», jurait l’auteur. La Ruée… fut célébrée dans la presse, exaltée par le président de la République, louée par le ministre des Affaires étrangères, primée par la Revue des Deux Mondes et l’Académie française : il n’y avait plus qu’à s’incliner.

Face à un tel engouement, le scientifique que je suis n’oublie pas la leçon de Blaise Pascal : à chacun son «ordre». C’est au géomètre de trancher des questions de géométrie et non aux «grandeurs d’établissement». En d’autres termes, une thèse qui se veut scientifique doit être jugée scientifiquement. Stephen Smith mettait en avant son statut d’universitaire, empruntait le langage de la démographie en parlant «du haut des pyramides des âges» (titre du premier chapitre). Démographe, j’ai voulu vérifier. Et pour mettre sa prophétie à l’épreuve des faits, je suis parti d’une source majeure ignorée de lui : la «base bilatérale des migrations», où l’OCDE, le FMI et la Banque mondiale compilent toutes les données existantes sur les mouvements de population reliant deux à deux les pays de la planète.

Le résultat est sans ambiguïté. On a beau extrapoler les courants migratoires de l’Afrique à l’horizon 2050 en y appliquant les projections démographiques de l’ONU, on reste très loin de la prophétie de Stephen Smith. Même majoré d’un tiers pour tenir compte d’une amélioration éventuelle de l’économie, le poids des Subsahariens dans la population de l’Europe avoisinerait au mieux 4 % et non 25 %, car une minorité seulement des migrants subsahariens (environ 15 %) gagne l’Europe. La prédiction avait beau être fracassante, elle ne reposait sur rien.

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