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La fondation Jean Jaurès a analysé la perception des attaques, survenues vendredi à Trèbes, par l’opinion publique. Selon cette étude, l’événement réactive la crainte d’un «terrorisme de proximité».

(…) Hormis l’assassinat au couteau de deux jeunes étudiantes à Marseille le 1er octobre 2017, l’intensité de la menace terroriste avait nettement reflué et la France n’avait pas connu d’attaque depuis près de six mois. C’est au cours de cette phase de relative accalmie et de respiration collective qu’allaient survenir les attentats de Carcassonne et de Trèbes.

Ces attaques s’inscrivent dans la stratégie dite «des 1 000 entailles». Les terroristes frappent des cibles de proximité et d’opportunité dès qu’ils le peuvent (d’où une rythmique erratique des attaques) avec les moyens qui sont les leurs afin de tenter de déstabiliser les sociétés visées. D’un point de vue terroriste, le rapport coût/efficacité est imbattable. Cette stratégie a également pour but d’affaiblir et de harceler les forces de sécurité.

(…)

1- l’extension du domaine de la menace: le djihadisme est arrivé près de chez vous

Après la décapitation d’un entrepreneur à Saint-Quentin Fallavier (Isère) en juin 2015, l’assassinat du couple de policiers à Magnanville (Yvelines) en juin 2016, l’égorgement du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) en juillet 2016, l’attaque du Super U de Trèbes dans l’Aude vient compléter un portfolio macabre. Ces quatre théâtres d’attaque, respectivement une zone industrielle, un lotissement pavillonnaire, une église de quartier et un Super U, font en effet partie du paysage quotidien et familier de dizaines de millions de Français habitant la France périphérique de Christophe Guilluy.

L’état de la menace est donc très diffus et s’est propagé partout. L’exposition aux attentats djihadistes n’est plus seulement le lot des habitants de l’agglomération parisienne ou des grandes villes de province. Tous les territoires sont concernés. Les milliers de perquisitions administratives effectuées par les forces de l’ordre au lendemain du 13 novembre 2015 avaient déjà installé cette idée qui fut confortée par la publication du nombre de radicalisés par département, avec des effectifs d’au moins 40 à 50 individus suspects par département.(…)

Chaque ville, petite ou moyenne, peut être frappée à n’importe quel moment par des radicalisés du cru. La potentialité d’une attaque est désormais présente dans toutes les têtes et ce, quel que soit son lieu de résidence. Il n’y a plus de territoire sanctuarisé. La prégnance de cette grille de lecture est très forte. (…)

2- Quartiers et cités sensibles: foyers de la radicalisation et de la dissémination terroriste

La dissémination de la menace terroriste sur l’ensemble du territoire s’explique par la présence d’un important vivier d’islamistes radicalisés (le FSPRT, Fichier de traitement des Signalements pour la Prévention de la Radicalisation Terroriste, comptabilise entre 12 000 et 20 000 individus selon le degré de dangerosité et «d’activité» retenus) que les spécialistes qualifient d’homegrown, c’est-à-dire littéralement: «cultivés» ou «ayant poussé à domicile». Mais pour que ces personnes se soient radicalisées au point, pour certaines, de passer à l’action, cela suppose, en déduit alors logiquement le grand public, qu’ils aient disposé localement d’un terreau propice.

Cette métaphore du terreau est régulièrement utilisée dans les commentaires ou les analyses sur les phénomènes de radicalisation. Ce n’est sans doute pas anodin car l’usage de ce terme charrie une connotation particulière. La définition du terreau que l’on peut trouver dans les dictionnaires est en effet la suivante: «engrais naturel, formé d’un mélange de terre végétale et de produits de décomposition». On retrouve ici, d’une part, l’idée d’un substrat ou d’un ingrédient favorisant le développement de ces opinions et comportements radicaux puis terroristes et, d’autre part, l’idée que ce développement s’est nourri ou a été favorisé par une décomposition. (…)

Ainsi par exemple en novembre 2016, le quartier avait connu une série de violences suite à l’interpellation d’un dealer car pour compléter le tableau, Ozanam est l’un des principaux points de deal de l’agglomération carcassonnaise. Nous avons listé ci-dessous quelques-uns des titres d’articles de la presse locale consacrés à ce quartier ces dernières années.

Quelques titres de la presse locale concernant le quartier Ozanam

«Quartier Ozanam à Carcassonne: voitures brûlées et vive colère des victimes» – L’indépendant – 17/04/2017
«Carcassonne: le feu détruit cinq voitures et menace un immeuble à Ozanam» – L’indépendant – 31/10/2016
«Carcassonne: trois voitures et un deux-roues incendiés cette nuit dans les quartiers de La Conte et d’Ozanam» – L’indépendant – 21/10/2016
«Carcassonne / Ozanam: cinq véhicules et trois conteneurs incendiés dans la nuit»- L’indépendant – 07/02/2015
«Carcassonne: incendie et caillassage de la police à Ozanam»- L’indépendant – 07/06/2014
«Carcassonne: «À Ozanam, on vit dans la peur» – L’indépendant – 04/06/2014
«Pompiers insultés et policiers caillassés à Ozanam» – L’indépendant – 17/05/2014
«Carcassonne. Ozanam, ce quartier qui n’en peut plus»- La Dépêche – 12/08/2012

À la lecture de ces articles, on se plonge dans la chronique ordinaire de la vie d’une petite cité sensible de province. On y apprend que l’église locale a été incendiée en décembre 2013 et que depuis des années une partie de la population se sent totalement désemparée face à la montée de la violence et abandonnée par les pouvoirs publics. (…)

La description de ce quartier ne permet pas d’incriminer l’urbanisme dans le développement de cette insécurité endémique et de la radicalisation religieuse. On apprend de la même façon dans les articles consacrés à cette affaire que la mère de Lakdim est femme de ménage et son père ouvrier agricole. Le facteur du chômage dans le milieu d’origine n’est donc pas opérant dans ce cas. (…)

Au terme de ces évènements macabres et de leur traitement médiatique, les attentats commis dans l’Aude ont alimenté ou réactivé trois idées-forces dans l’opinion publique:

• Aucun territoire n’est épargné et la menace est disséminée partout y compris dans la France périphérique, ce qui suscite la sidération et la stupeur comme l’expriment les propos de cet habitant de Carcassonne: «On pensait pas que ça arriverait ici quand même». Si la préfecture de l’Aude n’avait effectivement jamais essuyé d’attaque, la ville n’était pas à l’abri de la radicalisation. (…)

• Les nombreuses cités difficiles et autres quartiers sensibles y compris de taille relativement modeste (comme en témoigne le cas du quartier d’Ozanam) apparaissent comme autant de foyers potentiels de radicalisation. Ces zones en proie à une délinquance endémique font figure d’incubateurs dans lesquels la criminalité des cités et le djihadisme peuvent s’hybrider.

Le Figaro

Merci à valdorf

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