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Sur quinze pays d’Europe de l’Est, sept sont gouvernés par des populistes. Leur projet de « contre-révolution culturelle », essentiellement identitaire, vient heurter de front les valeurs défendues par l’Europe de l’Ouest depuis soixante ans. Au risque de déstabiliser l’Union européenne.

Konrad Szymanski, le ministre polonais des Affaires européennes, a menacé Bruxelles cette semaine de « représailles énormes » si la Commission persistait à vouloir priver de Fonds de cohésion les pays qui ne respectent pas l’Etat de droit. Une procédure a été ouverte en décembre contre la Pologne qui est accusée par les capitales de l’Ouest de s’en prendre à l’indépendance de la justice et à la presse. La Pologne pourrait bloquer les discussions sur vote du budget européen 2021-2028 post-Brexit qui ont commencé et, plus largement, paralyser toutes les tentatives de « relance européenne ».

La Pologne, où gouverne le parti populiste Droit et justice, a plein d’amis. En République tchèque, le président, Milos Zeman, prorusse, a été réélu fin janvier face au « pro-européen » Jiri Drahos. En Hongrie, le parti de Viktor Orban devrait remporter haut la main les législatives du 8 avril. Sur quinze pays d’Europe de l’Est, les populistes détiennent le pouvoir dans sept, appartiennent à une coalition dirigeante dans deux de plus et sont la principale force d’opposition dans trois (1). Le populisme, inexistant il y a deux décennies, triomphe, il s’affirme et compte faire entendre ce que le Hongrois Orban et le Polonais Kaczynski nomment la « contre-révolution culturelle ». « En 1989 [chute du Mur], ici, en Europe centrale, nous pensions que l’Europe était notre avenir ; aujourd’hui, nous avons le sentiment d’être l’avenir de l’Europe », dit Orban.

Le problème, pour les capitales de l’Ouest, est que cet avenir-là s’écrit comme l’antithèse de leur projet depuis soixante ans et de leurs valeurs : une société fermée plutôt qu’ouverte, le nationalisme plutôt que la « souveraineté européenne », comme la prône Emmanuel Macron, un illibéralisme économique revendiqué, et une culture traditionnelle de la famille et de l’Eglise qui fait dénoncer la permissivité multiculturelle « de gauche », à commencer par l’immigration. Donald Trump ne s’y est pas trompé, qui, à Varsovie, a fait l’éloge de la Pologne comme rempart de la civilisation occidentale « combattant pour la famille, la liberté, la patrie et Dieu ».

Que peuvent faire Paris, Berlin, Rome devant ce bloc des pays européens de l’Est, aujourd’hui d’autant plus fermement soudés entre eux que la Grande-Bretagne n’est plus là ? La cassure est-elle inévitable ? Dans une Europe à deux vitesses, parce qu’en réalité deux projets, faut-il les retenir quand même ? Comment les empêcher de se rapprocher de Moscou avec qui ils ont tant d’aspects illibéraux en apparence communs ?

La priorité immédiate est d’inventer des mécanismes qui leur ôtent toute capacité de blocage d’une relance comme en menace Varsovie. Ce ne sera pas simple avec les traités actuels. Mais, ensuite, il faut pouvoir faire d’un mal un bien. Les pays de l’Ouest ont aussi leurs populistes et pour que ces derniers ne soient pas « l’avenir » ici aussi, les partisans de l’ouverture démocratique et libérale feraient bien d’y regarder à deux fois.

Il est une différence majeure entre les populistes de l’Est et ceux de l’Ouest : l’économie. Le taux de chômage n’est que de 2,9 % en République tchèque, de 5 % en Hongrie, de 4,9 % en Pologne. Les électeurs populistes n’y sont pas les « perdants » de la mondialisation comme en Italie du Sud ou au nord de la France. La Pologne n’est pas non plus une « victime » de Bruxelles, elle est la première bénéficiaire des fonds structurels, avec 80 milliards d’euros d’aides sur le budget actuel 2014-2020. C’est dire, sans doute, que le substrat profond du populisme n’est pas dans l’économie.

Les Echos

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