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À travers un éloge du langage humain, le célèbre romancier américain Tom Wolfe sonne la charge contre le darwinisme et, au-delà, contre l’establishment. Féroce et jubilatoire.
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Le langage, propre de l’homme, qui a permis à cet être chétif de dominer tous les animaux. Ce langage qui n’est pas partout le même, qui n’a pas de grammaire universelle. Wolfe réhabilite les grands vaincus, les immolés sur le culte des maîtres de notre époque. Max Müller, le plus grand linguiste anglais du XIXe siècle, qui entendait, contre Darwin, «tracer une ligne ferme et indiscutable entre l’humain et le bestial». Et qui avertissait déjà: «Le langage est notre Rubicon et aucune brute n’osera le franchir.» Ou un obscur linguiste anglais, Daniel Everett, plongé à la fin du XXe siècle, dans la tribu amazonienne des Pirahas, et qui, après des années de polémiques féroces, obligea Chomsky et ses acolytes de reconnaître qu’ils avaient passé cinquante ans de leur vie à poursuivre des chimères: «L’évolution de la faculté de langage reste en grande partie une énigme.»

À la fin de son implacable démonstration, Wolfe sort la boîte à gifles: «C’est le langage qui a propulsé l’être humain au-delà des frontières étriquées de la sélection naturelle… La doctrine darwinienne de la sélection naturelle était incapable d’intégrer l’existence des outils, par définition naturels, et encore moins celle de l’Outil suprême, le Mot… Dire que les animaux ont évolué jusqu’à devenir des êtres humains revient à soutenir que le marbre de Carrare a évolué jusqu’à être le David de Michel-Ange.»

Le XXIe siècle n’a pas que des mauvais côtés. Les idoles du XXe sont abattues les unes après les autres: après Marx, après Freud, au tour de Darwin et de Chomsky. Leurs théories étaient devenues des lois, leur discours scientifique (ou plutôt scientiforme) avait occulté leur idéologie. Toutes les sciences humaines, histoire, géographie, sociologie, pédagogie, économie, etc., se sont hérissées ainsi de formules mathématiques pour faire croire à une objectivité de laboratoire, de langue anglaise pour faire croire à une universalité, et de jargon pour faire savants en blouse blanche: tous les historiens à la Boucheron, les géographes à la Lussault, les pédagogistes à la Dubet, tous ces historiens qui révèrent Paxton comme un nouveau messie, tous ces sociologues qui s’agenouillent devant Bourdieu, tous ces économistes qui rabâchent les maximes d’Adam Smith et de Ricardo comme des sourates du Coran, tous ces doctes universitaires gourmets qui se muent en prélats inquisiteurs, traitant de charlatans et de racistes ceux qui osent clamer que leurs rois sont nus, avant de les brûler sur le bûcher. Le bûcher de leur vanité.

Le Figaro

Merci à valdorf

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