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L’Allemagne devient un pays multiculturel qui continue de se mobiliser pour les réfugiés, même si certaines initiatives publiques peuvent choquer, juge l’historienne Bénédicte Savoy dans une tribune au « Monde ».

Je ne sais pas ce que c’est, l’Allemagne. Je suis arrivée à Berlin à l’âge de vingt ans, j’ai partagé toute ma vie d’adulte avec un Berlinois qui était fils et petit-fils de Berlinois, nos enfants vont à l’école allemande, j’enseigne depuis quinze ans dans une université allemande, il m’arrive d’être pour un soir ou deux à Francfort, à Munich, à Dresde, Dortmund ou Leipzig, et plus le temps passe et moins je suis capable de dire quoi que ce soit sur ce pays au singulier.

Il y a des Allemagne, assurément. Pas seulement deux, qui seraient pour l’une travaillée encore par quarante années de communisme, l’autre par son absorption de la voisine après 1989, ou l’une catholique et l’autre protestante, ou l’une qui roule les « r » et l’autre qui les avale, ou l’une qui a vécu la guerre et l’autre non.

 

Il y a des multitudes d’Allemagne comme il y a des multitudes de France, d’Italie, de Suisse. Le pluriel s’impose partout.

Près de chez moi, à Berlin, un grand lycée jésuite a recruté pour la rentrée scolaire, avec beaucoup d’assurance et de fierté, deux enseignantes « issues de l’immigration », comme on dit, qui porteront le voile pour enseigner les mathématiques et les sciences naturelles. Dans une lettre aux parents, le directeur explique pourquoi il trouve l’idée excellente et personne ne s’émeut. Son lycée, comme la plupart des ­lycées d’Allemagne, accueille depuis trois ans, dans cinq « classes de bienvenue », des enfants de réfugiés. Ma fille donne des cours de français à un garçon afghan de sa classe.

Dans tous les quartiers de Berlin, des écoles publiques bilingues accueillent les enfants issus d’amours transnationales, les Germano-Polonais, les Franco-Allemands, les Italo-Germains, les Germano-Turcs et également ceux qui parlent anglais. Ces écoles ont un slogan : « Europa ­für alle ohne Kosten » (« l’Europe pour tous, gratuitement »). […]

Le Monde

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