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Tribune d’Hubert Védrine est conseiller en géopolitique et président de l’Institut François-Mitterrand.

[Durant deux ans, de 2014 à 2016, une trentaine de personnalités de gauche et de droite ou de la société civile ont débattu discrètement, dans le cadre du « Club », à partir du livre d’Hubert Védrine La France au défi (Fayard, 2014) et de l’étude de cas français ou étrangers, sur la possibilité d’une coalition momentanée droite-gauche pour la réalisation de quelques réformes clés. Hubert Védrine livre ici quelques-unes de leurs réflexions sur la méthodologie et la pédagogie de la réforme. Au vu du débat du lundi 20 mars, cette question d’éventuelles coalitions pour gouverner et réformer sera centrale, avant et après les élections présidentielle et législatives]

Au terme de cette campagne insensée, nous allons quand même élire un président puis une Assemblée pour gouverner et réformer. Car comme en 1958, la France ne restera maîtresse de son destin et ne retrouvera une cohésion sociale et mentale que grâce à quelques réformes clés. La France doit reformer sa cohésion sociale, non pas par plus d’assistance et de dette, mais en redonnant à chacun, par le travail, le mérite (et non les rentes), mais aussi par l’éducation, profondément transformée dans ses méthodes, et une mise en œuvre intelligente de la laïcité, une place dans la société et une espérance dans l’avenir. […]

Les Français savent tout cela. Mais s’ils sont inquiets de voir notre modèle républicain et social au bord de la rupture, ils craignent que des réformes mal conçues par des élites en qui ils ont perdu toute confiance ne finissent par l’achever plutôt que de le sauver. Un candidat, un président, qui voudra réformer (et même transformer) devra surmonter d’abord cette méfiance viscérale, en trouvant, avant l’élection, les mots et le ton pour convaincre qu’il ne s’agit pas d’obéir à des diktats extérieurs, mais de préserver ce qui fait le ciment de la France, de recoudre un pays en voie d’implosion, de mobiliser son potentiel. […]

Il ne s’agit pas d’union nationale, ni même d’un accord global bipartisan à l’allemande, mais d’une façon de surmonter les blocages croisés dont les modalités de dénouement seraient prévues dès le départ : chaque camp doit pouvoir retrouver son identité à la fin. Si cela s’avère impossible, il faudrait a minima obtenir de l’opposition qu’elle définisse ses lignes rouges, et que le gouvernement s’engage en retour à ne pas les franchir, à condition, dans l’intérêt du pays, que l’opposition battue aux élections s’engage à ne pas jouer l’obstruction sur le reste. C’est à l’avance, avant même l’élection, que des gestes, un ton, des engagements appropriés, de la part des candidats non extrémistes permettront à l’opposition de demain de se comporter de façon responsable. […]

Le Monde

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