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A Amirli, en Irak, les chiites ne veulent pas du retour des sunnites qui ont pactisé avec le groupe Etat islamique. Dans cette zone urbaine d’environ 20.000 habitants, dans le Nord-Est du pays, les esprits sont échauffés. Alors que Daech recule, les règlements de compte débutent.


(Zahida Abdallah a 48 ans et Zaineb Amin, 36 ans,, veuves du seul infirmier du hameau)

Elle ne parle pas. On lui dit de venir, elle vient. On lui dit de s’asseoir, elle s’assied. On lui tend la main, elle l’a prend. Manger, passer de l’un à l’autre, poser pour la photo, mais parler, non, elle s’y refuse. Fatima est au cœur de tous les regards, de toutes les attentions, c’est un peu le trophée d’Amirli, une zone urbaine d’environ 20.000 habitants composée de multiples petits hameaux. Un bisou, une caresse de ces hommes rugueux d’ordinaire peu enclins à l’affection, Fatima reçoit tout dans une indifférence troublante. Elle a perdu toute sa famille, sauf sa maman, elle est devenue malgré elle, le symbole vivant de la cruauté de Daech. Enfin presque. Parce qu’il y a quand même une petite arrière-pensée dans l’esprit des habitants de ce village. Le triste sort de la fillette n’est pas le seul fait de Daech mais il est aussi celui de ces sunnites qui ont pactisé avec cet ennemi sanglant. Fatima, son visage de Madone, dont le jeune âge (6 ans) autorise encore à montrer ses cheveux, est sans le savoir le réceptacle des vents mauvais qui soufflent sur l’Irak depuis 2003. […]

Le siège par Daech de Amirli débute le 17 juin 2014. La plupart des habitants sont Turkmènes chiites. Une proie de choix pour les hommes de l’organisation Etat islamique. Il y a alors quelques 20.000 habitants, regroupés sur plus d’une soixantaine de hameaux chiites ou mixtes. Aujourd’hui, seuls quatre d’entre eux sont exclusivement sunnites. Ce jour-là, une soixantaine de mortiers tombent chaque jour. 5% des sunnites de ces hameaux mixtes ont déjà fichu le camp. Ceux qui restent pactisent avec Daech ou subissent comme les chiites les attaques de l’organisation Etat islamique. Ici, on est chez les chiites du Mouvement Badr dirigée par Hadi al-Amiri. On est en Iran. Des portraits du Guide suprême Ali Khamenei, des photos de martyrs au graphisme fleuri et très guerre Iran-Irak. Un commandant de l’époque raconte que les premiers jours, ils avaient tous du mal à respirer. “Il y avait des produits chimiques dans les mortiers qu’ils balançaient. Je suis sûr que nous avons été contaminés“. Dans le centre communautaire, un adolescent de 14 ans arrive poussé dans sa chaise roulante par son oncle. Il s’appelle Hussein et rêvait de jouer au foot. […]

La visite se poursuit. Daech a fait sauter les maisons avec du TNT ou tout piégé avant de décamper. Mais une autre réalité se dessine aussi. Plus sombre, annonciatrice revanche et de sang. Il est clair que certaines habitations ont été détruites par des chiites fous de rage qui ne veulent pas que les sunnites reviennent chez eux. Des inscriptions en craie blanche sautent aux yeux. “Vive Badr! Vive Moqtada Sadr [le fils de l’ayatollah chiite irakien Mohammad Sadeq al-Sadr exécuté sous Saddam Hussein, NDLR]!” Et les gens de crier “Allah Akbar”. […]

Le JDD

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