Fdesouche

Extraits de l’entretien accordé par Bernard-Henri Lévy à La Stampa, au lendemain de l’élection présidentielle américaine et la victoire de Donald Trump.

Que doit-on attendre de l’élection de Trump ?

Le pire. C’est-à-dire qu’il fasse ce qu’il peut pour appliquer son programme. Les gens disent : « maintenant qu’il est élu, il va se calmer, mettre de l’eau dans son vin, se faire digérer par le système ». Je ne crois pas cela. Je crois qu’il essaiera, tant que faire se peut, de faire ce qu’il a dit. Je crois qu’il faut prendre Trump au sérieux.

Quel type de valeurs cette élection exprime-t-elle ?

Le mépris de la démocratie. Les lois de la téléréalité étendues à la politique.

Et puis, aussi, une sorte de darwinisme social dont les plus faibles feront les frais. Je lis partout que ce sont les déclassés, les laissés pour compte de la mondialisation, les humiliés, qui ont élu Trump. D’abord, ce n’est pas vrai car la majorité des Noirs – qui sont, que je sache, la minorité par excellence où se recrutent ces laissés pour compte – a tout de même, et au final, voté pour Hillary Clinton. […]

Le vote Trump n’est donc pas, à vos yeux, un vote « contre les élites » ?

Non. C’est un vote contre la République. C’est un vote contre l’égalité et le respect des minorités. C’est un vote contre Tocqueville et sa définition de l’Amérique. C’est, dans cette grande démocratie qu’est la démocratie américaine, une authentique tentative de suicide. Vous connaissez le film de Griffith, « Naissance d’une nation » ? Eh bien ce film-ci, ce nouveau film, mais vécu celui-là, réel, pourrait s’intituler : « Suicide d’une nation ».

L’Europe dans son ensemble est-elle sur cette ligne ? Ou est-elle, comme sur d’autres points, divisée ?

Il y a un nouveau type de régime en Europe qu’on appelle les « démocratures » – mixtes de démocratie et de dictature. C’est, par exemple, les populistes autoritaires façon Victor Orban en Hongrie. Ces gens-là vont se réjouir, bien sûr, de l’élection de Trump. Exactement comme Marine Le Pen, en France, a été la toute première à se réjouir et à féliciter le nouvel élu. Il y a toute une nouvelle « internationale », une sorte d’Internationale « rouge brune », ou « brune-rouge », qui va voir, en Trump, son héraut. Regardez, d’ailleurs, du côté des intellectuels. Parmi ceux qui ont salué l’élection de Trump, vous avez l’extrême-droite. Mais vous avez aussi toute cette part de l’extrême-gauche qui, derrière des gens comme le Slovène Slavoj Zizek, pensait que le vrai danger, la vraie horreur, c’était Hillary Clinton. […]

La jonction des extrêmes ?

Oui, bien sûr. Comme toujours. Et comme partout. Regardez, ce matin même, à l’instant où nous parlons, le cas de Brigitte Bardot que l’on sait proche du Front National et qui déclare sa flamme à Jean-Luc Mélenchon… Ou regardez le soi-disant lanceur d’alerte Julian Assange, en principe lié à l’extrême-gauche, qui a alimenté, contre Clinton, les campagnes les plus dégueulasses lancées par l’extrême-droite du FBI… […]

Mais Trump a été élu démocratiquement !

Et alors ? La démocratie ce n’est pas seulement l’élection ! C’est des valeurs. C’est un type de société. C’est un rapport au monde. On peut très bien, par le biais de la démocratie, donner congé à cette vision du monde. On peut liquider, démocratiquement, la démocratie. C’est ce que nous a dit, comme souvent dans l’Histoire, une partie de l’électorat américain. C’est peut-être ce à quoi on assiste : une auto-liquidation, par les moyens de la démocratie, de la démocratie elle-même. Vous aviez la servitude volontaire façon La Boétie. Eh bien nous avons aujourd’hui la volonté de démocratie qui accouche de ce maître ultime, de ce despote sans réplique, qu’est le Peuple trumpisé…[…]

Et Israël ?

Là aussi, Trump a été clair. Il compte demander à Israël le remboursement d’une partie des aides accordées par les précédentes administrations. Et puis rappelez-vous la vulgarité de ses adresses, pendant la campagne électorale, aux grandes organisations sionistes américaines. Genre : « je sais que vous ne voterez pas pour moi, parce que je ne veux pas de votre sale argent… ». […]

La Règle du Jeu

Fdesouche sur les réseaux sociaux