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Le Monde publie le témoignage de musulmans après les attentats du 13 novembre.

Au-delà de la peur pour leurs proches, de l’horreur face à la succession d’attaques et du deuil, partagés par l’ensemble des citoyens, les attentats commis en France au nom de l’islam ont eu des répercussions supplémentaires pour les Français de confession ou de culture musulmane. Un an après le 13 novembre, nous avons choisi de donner la parole à huit d’entre eux. Marqués par les regards et les gestes agressifs, ils ont aussi été profondément choqués par le débat sur la déchéance de nationalité pour les binationaux.

Anais M., 28 ans, est mère de famille et vit dans le Vaucluse. Doctorante en histoire, elle est convertie à l’islam depuis huit ans.

Dans ma vie de tous les jours, les regards sur mon voile se font de plus en plus insistants, les commentaires désobligeants à mon encontre (terroriste, qu’est-ce que vous faites habillée comme ça, vous n’avez pas honte ?…) se sont multipliés. Et malgré le soutien d’une partie de mes concitoyens, qui dans la rue me sourient sans raison ou sont d’une grande gentillesse pour montrer leur solidarité dans ces moments de division et de méfiance généralisée envers les musulmans, je ne vois pas d’avenir pour ma famille en France. L’objectif de l’Etat islamique, rendre la vie difficile aux musulmans en France et nous diviser, a malheureusement eu beaucoup de succès.

Louiza A. a 22 ans, elle est étudiante en communication à Montpellier.

J’ai décidé de me voiler quelques mois après les attentats de janvier 2015 sans que ça n’ait aucun lien avec les attaques terroristes. C’était le fruit d’un long cheminement personnel. Les regards sur moi se sont mis à changer, sans que je sache si c’était lié à mon voile – je porte un hijab sur des tenues plus amples qu’avant – ou aux attentats. ” […]

Mahmoud Bourassi à 41 ans, il est responsable de la maison des jeunes, à Bondy, où il vit.

Ce que je constate sur le terrain, c’est que les attentats ont cassé la dynamique de normalisation de la présence musulmane en France. Janvier 2015, puis novembre 2015 et juillet 2016 ont enrayé le processus d’acceptation, timide mais réel, de la nouvelle réalité française : une société dans laquelle les musulmans ont aussi leur place.

Tahar Mouici a 43 ans, il possède un bar dans le 20e arrondissement de Paris et deux passeports : l’un français, l’autre algérien.

La déchéance de nationalité… Cette idée est venue d’un gouvernement dit de gauche qui normalement exacerbe moins ces questions. Là, je me suis senti visé et menacé. Je me suis senti enfermé dans une identité. Je me suis senti la moitié d’un citoyen. […] J’ai senti qu’il y avait d’un côté les Français, et de l’autre les Français qui ont obtenu la nationalité. Ceux-là sont Français, mais… Alors, pourquoi on parle de déchéance de nationalité depuis ces attentats du 13 novembre ? Pourquoi on n’a pas parlé de déchéance de nationalité au moment des attentats d’Action directe ?

Habiba M., 41 ans, est fille de harki. Après l’attentat de Nice, elle a décidé de s’engager comme réserviste dans l’armée de terre.

Après les attentats, je n’ai pas ressenti d’amalgame à mon niveau parce que je ne suis pas pratiquante et que je n’affiche rien d’ostentatoire. Quand Nice, où j’ai vécu pendant vingt ans, a été frappée le 14 juillet, j’ai eu un déclic et j’ai décidé de m’engager comme réserviste dans l’armée. Mon père était harki. Arrivé d’Algérie en 1962, il disait toujours que la France, c’est notre pays. Il s’est battu pour elle. C’est important que je le fasse à mon tour. Je sais que mon engagement dans la réserve peut choquer. On m’a demandé pourquoi je faisais cette démarche, au lieu de rester chez moi à m’occuper de mes enfants, sous-entendu ‘tu es arabe, alors ce n’est pas ton pays’. Mais si, c’est mon pays, la France ! Je veux montrer que malgré nos origines, on est là pour l’aider. Ce désir est encore plus fort aujourd’hui. Je suis Française et j’ai le sentiment de l’être encore plus en devenant réserviste. C’est une fierté, et une façon de montrer que les descendants de harkis sont toujours là pour soutenir la France.

Le Monde

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