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Brice Couturier, journaliste, producteur de radio et écrivain français, revient sur l’élection de Donald Trump. Pour lui, la majorité des gens a de plus en plus tendance à voter contre ce que leur recommande «le prêchi-prêcha médiatique».

La victoire de Donald Trump a surpris l’écrasante majorité des «experts» et des médias ainsi que la classe dirigeante. Comment expliquez-vous une telle cécité ?

Quelle claque! Plus de 200 journaux américains avaient soutenu Hillary Clinton. Tous ceux qui comptent, des plus élitistes, comme le New York Times, le Washington Post ou le Wall Street Journal, jusqu’aux plus populaires, tels que USA Today, théoriquement non-partisan, voire même le Daily News. […] Entre les élites supposées et les classes moyennes et populaires, ce n’est plus un fossé, c’est un abîme qui s’est creusé. Pourquoi? Parce que, d’une manière générale, dans nos démocraties, le monde que décrit la sphère politico-médiatique n’est pas celui dans lequel ont l’impression de vivre la majorité des gens. Alors, forcément, ça les énerve. Et ils ont de plus en plus tendance à voter contre ce que leur recommande le prêchi-prêcha médiatique.

On peut féliciter le New York Times d’avoir publié une tribune dans laquelle ce grand quotidien reconnaissait s’être planté, avoir méconnu la réalité sociale du pays, être passé à côté d’un évènement de portée historique. On attend encore le même genre de confession de la part des médias français.

Dans les colonnes de FigaroVox, vous déclariez «le parti des médias et l’intelligentsia méprisent la réalité.». Ont-ils méprisé Donald Trump et ses électeurs ?

Ah oui! Que n’a-t-on pas entendu sur ces «petits blancs», forcément racistes ; sur ces ploucs non diplômés de l’Université, et incapables, de ce fait, de s’élever à l’altitude proprement himalayesque où évoluent les grands esprits qui peuplent les départements des «post-colonial studies»!

[…] Même chose, ici, en France. L’élite ignore tout du pays profond. Comment le connaîtrait-elle ? Pensez que les médias nous ont présenté les Nuits Debout comme l’amorce d’un mouvement social de fond qui s’apprêtait à révolutionner le pays! Tandis que les spécialistes en sciences sociales nous vantent «l’intersectionnalité des luttes», ou le «féminisme islamiste»! On est bien avancés. […]

Hillary Clinton a aussi semblé considérer que vote des Noirs et des Hispaniques lui revenait d’office. […] Car le grand paradoxe des politiques identitaires, c’est de flatter toutes les minorités sauf une. On répète aux petits blancs qu’ils sont en train de perdre la majorité et qu’en plus, ils sont des ratés, sans recours possible à l’affirmative action. Comment s’étonner qu’ils se constituent en minorité agissante, comme les autres? Avec discipline de vote et lobbying à la clé. Obama avait essayé d’engager les États-Unis dans la voie d’une politique post-raciale. Clinton a dilapidé cet héritage. Ça laissera des traces. […]

La France n’est-elle pas tout aussi fracturée? Un phénomène Trump est-il possible en France ?

Je ne sais pas. D’abord, Trump n’a pas d’équivalent en France. […] Marine Le Pen s’y voit déjà. Mais paradoxalement, son entreprise de dédiabolisation du Front national la dessert dans ce registre. Elle cherche à apparaître comme une politicienne comme les autres. Son père, lui, savait mettre les rieurs de son côté en faisant le singe. La voie choisie par Trump a été précisément de ne pas jouer le jeu politique traditionnel, d’en transgresser toutes les règles, de s’en moquer ouvertement, en prenant les spectateurs à témoin, de manière à les rendre complices. C’est un truc de one-man show. Ca demande du métier ! […]

Le Figaro

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