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Article de René Naba, Ancien responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l’Agence France Presse, ancien conseiller du Directeur Général de RMC/Moyen orient, sur les évolutions démographiques, irréversibles selon lui, en en France et en Europe. le titre de l’article est “Le plus important bouleversement démographique de l’histoire de l’humanité”

Au rythme de 500 000 expatriés par an en moyenne pendant 40 ans, de 1881 à 1920, 28 millions d’Européens auront ainsi déserté l’Europe pour peupler l’Amérique, dont 20 millions aux Etats-Unis, huit millions en Amérique latine […].

Par un rebond de l’histoire, dont elle connait seule le secret, l’effet boomerang interviendra au XXe siècle. L’Europe, particulièrement la France, pâtira de sa frénésie belliciste, avec l’enrôlement de près de 1.2, millions des soldats de l’outre-mer pour sa défense lors des deux guerres mondiales (1914-1918/1939-1945) et la reconstruction du pays sinistré. Au point que par transposition du schéma colonial à la métropole, les Français, par définition les véritables indigènes de France, désigneront de ce terme les nouveaux migrants, qui sont en fait des exogènes; indice indiscutable d’une grave confusion mentale accentué par les conséquences économiques que cette mutation impliquait. […]

Cinq siècles de colonisation intensive à travers le monde n’auront ainsi pas banalisé la présence des «basanés» dans le regard européen, ni sur le sol européen, pas plus que dans l’imaginaire occidental, de même que treize siècles de présence continue matérialisée par cinq vagues d’émigration n’ont conféré à l’Islam le statut de religion autochtone en Europe, où le débat, depuis un demi-siècle, porte sur la compatibilité de l’islam et de la République, comme pour conjurer l’idée d’une agrégation inéluctable aux peuples d’Europe de ce groupement ethnico-identitaire, le premier d’une telle importance sédimenté hors de la sphère européo-centriste et judéo-chrétienne. […]

Au-delà de la polémique sur la question de savoir si «l’Islam est soluble dans la République ou à l’inverse si la République est soluble dans l’Islam», la réalité s’est elle-même chargée de répondre au principal défi interculturel de la société européenne au XXIe siècle. Soluble ou pas, hors de toute supputation, l’islam est désormais bien présent en Europe d’une manière durable et substantielle[…]. Premier pays européen par l’importance de sa communauté musulmane, la France est aussi, proportionnellement à sa superficie et à sa population, le plus important foyer musulman du monde occidental.

Avec près de cinq millions de musulmans, dont deux millions de nationalité française, elle compte davantage de musulmans que pas moins de huit pays membres de la Ligue arabe (Liban, Koweït, Qatar, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Palestine, Iles Comores et Djibouti). Elle pourrait, à ce titre, justifier d’une adhésion à l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), le forum politique panislamique regroupant cinquante-deux Etats de divers continents ou à tout le moins disposer d’un siège d’observateur. […]

En vingt ans (1980-2000), près de trois mille associations ont été fondées et mille cinq cents lieux de culte édifiés, parmi lesquelles cinq grandes Mosquées, dont trois dans la région parisienne Paris, Evry et Mantes-La-Jolie, ainsi qu’à Lyon et Lille.

Socle principal de la population immigrée malgré son hétérogénéité linguistique et ethnique, avec près de 20 millions de personnes, dont cinq millions en France, la communauté arabo-musulmane d’Europe occidentale apparaît en raison de son bouillonnement -boutade qui masque néanmoins une réalité- comme le 28ème Etat de l’Union européenne.

En s’y greffant, l’admission de la Turquie, de l’Albanie et du Kosovo au sein de l’Union européenne porterait le nombre des musulmans à près de 100 millions de personnes, représentant 5 % de la population de l’ensemble européen, une évolution qui fait redouter à la droite radicale européenne la perte de l’homogénéité démographique de l’Europe, à la blancheur immaculée de sa population et aux «racines chrétiennes de l’Europe». […]

Au seuil du IIIe millénaire, la France souffre d’évidence d’un blocage culturel et psychologique marqué par l’absence de fluidité sociale. Reflet d’une grave crise d’identité, ce blocage est, paradoxalement, en contradiction avec la configuration pluriethnique de la population française, en contradiction avec l’apport culturel de l’immigration, en contradiction avec les besoins démographiques de la France, en contradiction enfin avec l’ambition de la France de faire de la Francophonie, l’élément fédérateur d’une constellation pluriculturelle ayant vocation à faire contrepoids à l’hégémonie planétaire anglo-saxonne, le gage de son influence future dans le monde. […]

Une France plongée dans la pénombre, en pertes de repères, en quête de sens, victime des remugles de sa mémoire. Le contentieux non apuré en France à propos de Vichy et de l’Algérie continue de hanter la conscience française, de même que son passif post- colonial.

oumma

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