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[Extraits d’un article du journaliste Robert D. Kaplan, paru dans le mensuel américain The Atlantic]

Pendant des siècles, durant la haute et la moyenne antiquité, l’Europe désignait le monde entourant la Méditerranée, ou Mare Nostrum (« Notre mer »), comme l’appelaient les Romains. Afrique du Nord incluse. […] Mais la rapide avancée de l’islam à travers l’Afrique du Nord aux VIIe et VIIIe siècles y anéantit pratiquement le christianisme, séparant ainsi les territoires méditerranéens en deux sur le plan civilisationnel […] Depuis lors, comme l’observa le philosophe espagnol José Ortega y Gasset, « toute l’histoire européenne a été une grande émigration en direction du Nord. »

[…] En bref, « l’Occident » naquit dans le Nord de l’Europe ( quoiqu’à l’issue d’un processus très long et tortueux), surtout après que l’islam eut divisé le monde méditerranéen.

L’islam fit cependant bien plus que définir l’Europe d’un point de vue géographique. Denis Hay, un historien britannique, a expliqué dans Europe : La naissance d’une idée (1957), un livre brillant quoique obscur, que l’unité européenne avait commencé avec le concept (illustré par la Chanson de Roland) d’une chrétienté en « opposition inévitable » à l’islam – concept qui trouva son point culminant dans les Croisades. L’universitaire Edward Said développa ce point, écrivant dans son livre Orientalisme (1978) que l’islam avait défini l’Europe sur un plan culturel, en montrant à l’Europe à quoi elle s’opposait. L’identité même de l’Europe, en d’autres termes, fut construite pour une bonne part sur un sentiment de supériorité envers le monde arabo-musulman situé à sa périphérie.

[…]

L’islam aide maintenant à défaire ce qu’elle a autrefois aidé à créer. […] Aujourd’hui, des centaines de milliers de musulmans qui n’ont aucune envie de devenir chrétiens s’infiltrent dans des États européens à l’économie stagnante, menaçant d’ébranler la fragile paix sociale. Bien que les élites européennes aient utilisé pendant des décennies une rhétorique idéaliste pour nier les forces religieuses et ethniques, ce furent ces mêmes forces qui ont assuré aux États européens leur cohésion interne.

En attendant, les nouvelles migrations, entraînées par la guerre et l’effondrement des États, effacent la distinction entre les centres impériaux et leurs anciennes colonies. […] L’Europe a répondu en reconstruisant artificiellement des identités culturelles nationales à l’extrême droite et à l’extrême gauche, pour répondre à la menace venant de la civilisation qu’elle dominait autrefois.

[…] Tout comme au XIXe siècle il n’y avait pas de retour possible au féodalisme, il n’y a pas maintenant de retour en arrière vers le nationalisme, sauf à courir à la catastrophe.

[…]

L’Europe doit maintenant trouver une autre voie pour intégrer de façon dynamique le monde de l’islam sans renoncer à son attachement pour le système de l’État de droit qui a pris naissance dans l’Europe du Nord […] Si elle ne peut pas évoluer dans la direction de valeurs universelles, ne restera que la folie des idéologies et des nationalismes grossiers pour remplir le vide. Cela signifierait la fin de « l’Occident » en Europe.

(Traduction Fdesouche)

The Atlantic

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