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21/02/2016

Avec “les Sauvages”, saga de 1600 pages dont il prépare l’adaptation télévisée, Sabri Louatah met en scène la “panique identitaire” qui agite notre pays. Le premier livre, paru en 2012, s’ouvre sur l’élection à la présidence de la République d’Idder Chaouch, sorte d’Obama kabyle, immédiatement victime d’un attentat qui le laisse hémiplégique.

Louatah n’est pas croyant. Il se dit «athée, cosmopolite, mondialiste», ou «déraciné heureux». L’essor de l’extrême droite et celui de l’islam participent selon lui d’une seule et même «peste identitaire» qu’il ne comprend pas. Pourtant, quand il vante les vertus du déracinement, on sent que ses racines le travaillent. «Les Sauvages» porte cette ambiguïté.

Depuis qu’il vit aux Etats-Unis, Sabri Louatah est «devenu blanc». Il y a quelques années, l’écrivain s’est installé à Chicago avec sa compagne. «Nord-Africain, ça n’existe pas là-bas, dit-il. Pour eux, les Arabes, ce sont les Moyen-Orientaux, qui ont la peau beaucoup plus foncée. Ma femme est blanche, et personne ne nous voit comme un couple mixte. Franchement, être blanc, c’est génial. Les gens te font des grands sourires.» […]

«Avant les attentats de novembre, j’avais un côté “ça suffit la France”, dit-il. Je n’ai pas envie de devenir une victime du racisme. Je déteste les victimes. Si j’ai des enfants ici, ils seront toujours considérés comme des sortes d’immigrés. Alors qu’ils seront la quatrième génération de ma famille à être née en France. C’est complètement dément.» […]

« Contrairement à ce qu’a dit Emmanuel Todd, j’y ai vu plein d’Arabes, dit-il en rigolant. C’était même un peu ridicule, tous ces Arabes qui se sentaient obligés de chanter “la Marseillaise”. On a écrit beaucoup d’âneries à propos de cette marche. Elle n’avait rien à voir avec la liberté d’expression. C’était un geste de funérailles, sans mot d’ordre. J’en ai assez d’entendre parler du vivre-ensemble et de la fraternité. On dirait que tout le monde rêve de vivre au village. Il y a plein de gens avec lesquels je ne veux pas fraterniser. Le vivre-à- côté, c’est déjà pas mal. »

Le Nouvel Obs


13/02/2016

Critique, dans le Monde, par Florent Georgesco du tome IV du roman de Sabri Louatah, “Les Sauvages, chroniqueur au Monde des livres.

La saga débute le 5 mai 2012, à la veille du second tour. Face à Nicolas Sarkozy, un énarque victorieux de la primaire PS et prônant le rassemblement est favori du scrutin.

Les terroristes du livre étant soit des militants néonazis soit des islamistes manipulés par des officines proches de l’ADN, il manque à cette galerie de Français contemporains la figure du djihadiste, et son absence finit par décevoir l’attente. Entre-temps, la nuit est tombée : on ne peut s’empêcher de penser qu’il faudrait une lumière plus puissante.

En 2012, un météore apparaissait ; on pouvait se demander s’il toucherait terre un jour, et quelle serait l’ampleur du choc. Sabri Louatah* venait de commencer la tétralogie des Sauvages, histoire de l’élection d’ Idder Chaouch, premier président français d’origine algérienne, frappé par un attentat qui le laisse dans le coma, entraînant le pays, bien sûr, mais surtout la famille de son assaillant – les Nerrouche, centre de cette saga trépidante –, dans des tourments et des péripéties sans fin. […]

Qu’en est-il aujourd’hui, face au dernier tome ? La précipitation vers le dénouement crée une attente de plus en plus pressante, l’espoir vague d’une révélation non plus seulement selon les règles du roman-feuilleton mais sur nous-mêmes, hors fiction. Montesquiou, chef de l’ADN, parti réunissant droite et extrême droite, s’ingénie à faire destituer pour incapacité le président Chaouch qui, sorti du coma, prend le pouvoir en main. La France trouvera-t-elle, en suivant la politique de son président, les moyens de s’apaiser, ou bien les manœuvres de la droite l’entraîneront-elles dans la guerre civile ? […]

Le Monde

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