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Un Genevois de 20 ans, converti, a quitté sa cité pour partir en Syrie. Il côtoyait un groupe aux idées extrémistes qui fréquente la mosquée du Petit-Saconnex. Celle-ci se défend de fermer les yeux.

Des bougies consumées, des images de la Vierge posées sur la table du salon, et au centre, la photo d’un garçon mince, à l’allure branchée. Voilà quatre mois que le départ de D., 20 ans, obsède sa famille. Ce Suisse converti à l’islam a quitté au printemps sa cité genevoise pour se rendre en Syrie, avec une autre personne plus âgée, révèle l’enquête de la Tribune de Genève. Tous deux fréquentaient un groupe de jeunes radicalisés, liés à la mosquée du Petit-Saconnex. Or, nous avons appris que deux de ses trois imams sont fichés en France. Une note confidentielle de la police française datée du 18 août, en notre possession, sonne l’alerte. Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) et la police judiciaire fédérale (PJF) ont lancé des investigations.

«J’étais chez des amis quand il m’a appelée pour me dire qu’il partait deux semaines en vacances au Maroc. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’il m’en parlerait le soir même», raconte d’une voix cassée Carmen*, la mère de D. Ce soir d’avril, il ne l’a pas attendue, s’en allant dans la précipitation, sans prendre de vêtements, ni même sa brosse à dents. Ses précieux tapis de prière et sa djellaba blanche sont restés rangés dans sa chambre ordonnée, tapissée de livres sur l’islam. Majeur et sans emploi, D. vit chez sa mère, où il jouit d’une certaine liberté. «Je ne me suis pas inquiétée tout de suite parce qu’il a déjà fait des voyages à la dernière minute.» Catholique converti à l’islam depuis deux ans, D. a fait un pèlerinage en Arabie saoudite, à l’automne passé, et un séjour en Tunisie, en mars de cette année. Peu de temps après, il annonce donc s’envoler pour le Maroc. «J’ai reçu un premier message. Il disait qu’il faisait chaud, qu’il s’amusait bien.» Passé le 2 mai, plus de nouvelles. (…)

Noyau de jeunes radicalisés

(…) Ce noyau de jeunes radicalisés dispose d’un accès facilité à la mosquée, contrairement à d’autres personnes, qui s’en plaignent. Des réunions se tiennent parfois dans la salle de prière quand elle est vide, ainsi que dans les sous-sols, où se trouve notamment une salle de sport. Celle-ci dispose depuis peu d’une entrée directe depuis l’extérieur. Cette discrétion recherchée suscite beaucoup d’interrogations parmi les fidèles.

La salle de sport relève de la «filière jeune», «projet de soutien à l’orientation et à l’insertion professionnelle pour les jeunes de la communauté musulmane», indique le site Internet de l’institution. Son responsable? Un Français converti, engagé comme imam en 2012, qui se fait appeler A. C’est un pseudonyme.

Des contacts avec Merah

L’homme aux allures d’adolescent, ayant étudié de 2003 à 2009 à Médine (Arabie saoudite), se nomme en fait J.A. Nous avons appris qu’il fait l’objet d’une fiche «S», pour «Sûreté de l’Etat», rédigée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en France. Ce qui implique un suivi de son parcours, de ses fréquentations, notamment à travers des contrôles inopinés. Ouverte en décembre 2012, cette fiche évoque un «individu susceptible d’appartenir à la mouvance islamiste radicale internationale». En clair, J.A. est considéré comme une menace potentielle pour la sécurité de l’Etat français. Installé aujourd’hui à Ferney-Voltaire, dans le Pays de Gex, le Toulousain apparaît dans le dossier judiciaire de Mohamed Merah, auteur de sept meurtres en mars 2012 commis au nom d’Allah. Tous deux ont été en contact quelques mois avant les tueries. Le numéro de portable français de J.A. figure au moins à sept reprises dans la liste des appels entrants et sortants du téléphone de Mohamed Merah, emprunté à sa mère, selon un document que nous avons pu consulter. J.A. a conservé des liens avec Toulouse, où il se rend régulièrement.

Un autre imam, plus âgé, intéresse les services de renseignements de l’Hexagone: le Français F.T. Également converti, il a réalisé de longues études coraniques de 1993 à 2008 à Médine, avant d’être engagé à la mosquée du Petit-Saconnex. Il l’a quittée plusieurs mois pour vivre avec sa famille en Jordanie, avant de revenir. Aujourd’hui, il vit également à Ferney-Voltaire. Les renseignements français tiennent aussi à jour une fiche «S» à son sujet. Son intervention dans l’émission Temps Présent du 30 avril donne un aperçu de sa philosophie. A la question: êtes-vous pour ou contre la lapidation? Il répond «joker». Etes-vous pour ou contre la polygamie? «Joker» aussi. Des propos qui dérangent bon nombre de musulmans de Genève. Il faut rappeler que la mosquée, gérée par la Fondation culturelle islamique de Genève, applique le rigorisme wahhabite saoudien, sous la tutelle de la Ligue islamique mondiale, depuis sa reprise en main en 2007 (lire ci-dessous).

La mosquée semble agir comme un aimant sur les esprits extrémistes. Un Tunisien connu pour avoir distribué l’an passé des corans sur la place du Molard à Genève, considéré comme une menace pour la sécurité intérieure de la Suisse et expulsé en janvier, avait fait un passage remarqué au 34, chemin Colladon. «Je l’avais vu porter un T-shirt avec un pistolet dessus. Il parlait souvent avec les jeunes pour les convaincre de faire le djihad», raconte un témoin. C’est à la même adresse que deux jeunes du nord de la France, A.K. et A.E.M, ont choisi de débarquer en mai, juste avant de prendre l’avion à Cointrin, direction la Turquie. Interceptés, les candidats au djihad ont été renvoyés en Suisse, puis en France. Un juge du pôle antiterrorisme a placé l’un d’eux en prison. (…)

Imams

Trois imams officient à la mosquée. Ils ont été désignés par la FCIG, avec le blanc-seing de la Ligue islamique mondiale, à La Mecque. Actuellement, deux Français convertis sont chargés des prêches, tandis qu’un Algérien a été mis sur la touche depuis un an, sans que l’on en connaisse les raisons.

Prêche

«Les imams ne sont pas du tout en phase avec la réalité que les musulmans vivent en Suisse. Il nous faut des personnes plus ouvertes, pas des rigoristes», soupire un quinquagénaire marocain, qui refuse de s’y rendre depuis deux ans. La prière du vendredi n’a pourtant pas perdu de son attractivité. «Beaucoup viennent ce jour-là pour faire leur devoir et repartent aussitôt.» Un Tunisien père de famille, lui, parle d’un acte militant: «Je tiens à y aller pour ne pas laisser certaines idées gagner du terrain.» Aucun dérapage n’est pourtant signalé dans les prêches. Le 14 août, l’un des imams français a même dénoncé le terrorisme. «C’est du jamais-vu», réagit avec surprise un habitué.

Jeunes

«Certains jeunes, qui ont déjà des idées radicales, interprètent mal le discours des imams en prenant les versets coraniques au pied de la lettre», regrette un pratiquant de 28 ans. La question de la responsabilité des imams se pose. Un jeune Suisse observe: «Il y a toujours eu des personnes aux idées extrémistes qui gravitaient autour de la mosquée. Avant 2007, un contrôle social s’exerçait. Il n’existe plus.» Son père déplore une dérive: «La radicalisation de certains nous inquiète parce que nous ne voulons pas que la Suisse devienne comme la France où les musulmans sont un problème. Si la mosquée ne clarifie pas les choses, elle va s’attirer les mêmes ennuis qu’en France.» (…)

Le Figaro

Merci à Pierre

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