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A rebours des idées ­reçues, Thomas Kirszbaum, chercheur associé à l’Institut des sciences sociales du politique (ENS de Cachan/CNRS) et spécialiste de la politique de la ville, estime qu’il est vain de vouloir faire revenir les classes moyennes blanches dans les banlieues populaires. Mieux vaudrait, à ses yeux, agir sur la capacité de choix des plus défavorisés.

Dans le langage euphémisé des pouvoirs publics, qui rejoint ici le sens commun, invoquer la mixité sociale, c’est faire référence à une norme de la vie urbaine dans laquelle les Blancs auraient vocation à constituer le groupe majoritaire en tout point du territoire. C’est une lecture obsolète. Si vous regardez la physionomie de la région Ile-de-France, ou d’autres grandes agglomérations, on assiste à la formation permanente et durable d’espaces où les minorités sont majoritaires.

Quand on écoute les vieux habitants des banlieues ou certains élus, il y a une forme de nostalgie d’une époque où ­cadres et ouvriers cohabitaient dans les cités HLM. Cela a-t-il réellement existé ?

La naissance des grands ensembles HLM, à la sortie de la guerre, est perçue rétrospectivement comme une parenthèse heureuse, malgré des défauts dénoncés avec virulence dès cette époque. […]

Mais si l’on cultive aujourd’hui la ­nostalgie d’une harmonie sociale largement fictive, c’est aussi que ce mythe originel correspond à un ordre social dans lequel les Blancs étaient hégémoniques.

En quoi pourrait consister une politique urbaine qui donnerait plus d’opportunités aux populations des quartiers ?

Avant d’être une question de logement, la ségrégation urbaine reflète les inégalités d’accès aux ressources qui déterminent les trajectoires individuelles, et donc la possibilité de choisir son lieu de résidence. Plus que de politiques de peuplement, on a donc ­besoin de politiques d’accès. L’enjeu premier est de faciliter l’accès des pauvres et des minorités à des écoles, des services publics et des emplois de qualité. C’est là qu’il faut avoir plus de mixité ! Réguler les ­marchés de l’école, de la formation ou de l’emploi pour les rendre moins ségrégatifs est autrement plus décisif pour ces populations que de savoir si elles ont un voisin de palier noir ou blanc. […]

Ce n’est donc pas grave d’avoir des populations qui veulent rester dans ces quartiers ?

On peut adhérer philosophiquement à l’idée de mixité, mais le mélange des populations dans l’espace résidentiel n’a, en lui-même, aucune vertu démontrable. Si l’on veut réconcilier la mixité avec un projet émancipateur, il faut sortir du paternalisme et chercher à augmenter la capacité de choix des pauvres et des minorités. Ceux qui ont le projet de partir doivent être soutenus dans leurs parcours, mais il faut aussi respecter le choix de ceux qui préfèrent rester. Cessons cette focalisation sur des politiques de peuplement largement inefficaces et injustes pour penser d’abord la question des parcours, qu’il faut appuyer sur de véritables politiques d’accès aux ressources urbaines.

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