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A l’abandon le plus total, les forêts de la zone d’exclusion de Tchernobyl pourraient voir se multiplier les incendies, du fait du réchauffement climatique. Au risque d’en redistribuer la radioactivité sur l’Europe, craignent des chercheurs au terme d’une étude publiée dans la revue Ecological Monographs.

Les incendies de forêt vont-t-ils raviver en Europe le souvenir de Tchernobyl, accident nucléaire survenu en avril 1986? C’est ce que redoute l’équipe du Pr Anders Møller du laboratoire «Ecologie, systématique, évolution» à l’université Paris-Sud, spécialiste de la faune et de la flore des zones d’exclusion nucléaire. Et les raisons de leurs craintes ne manquent pas.

Primo, les incendies de forêt seront plus fréquents au XXIème siècle, en Europe de l’est comme ailleurs, du fait du réchauffement climatique. Secundo, les forêts de Tchernobyl, qui recouvrent plus de 70 % des 2.600 km2 de la zone d’exclusion, contre 53% avant la catastrophe, ne sont plus entretenues, et la litière s’y décompose moins vite que dans des zones non irradiées. Tertio, la surveillance incendie y est minimale, l’Ukraine, en proie à une guerre civile, ayant d’autres priorités.

S’il est difficile de chiffrer la radioactivité qui pourrait partir en fumée de cette manière, les chercheurs s’appuient sur plusieurs épisodes récents, à savoir les étés 2002, 2008 et 2010, au cours desquels la zone d’exclusion de Tchernobyl a subi plusieurs feux de forêt. Des évènements qui pourraient devenir plus fréquents, mais aussi plus intenses.
«Bon sujet», mais hypothèse haute pour l’IRSN
Contacté par le JDLE, Philippe Renaud, expert en radioactivité environnementale et exposition du public à l’Institut de la radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN), considère que c’est là un «bon sujet», l’intérêt de la publication étant de «montrer ce que cela pourrait donner à l’avenir». Pour le reste, il s’agit d’«une approche purement calculatoire, avec des hypothèses et des calculs mis bout à bout, et un grand nombre de paramètres».
Selon lui, les calculs effectués par les chercheurs représentent une hypothèse très haute de propagation de la radioactivité. Suite aux incendies de 2002, les plus virulents, l’IRSN a noté une activité de Cs137 de 1,6 microBecquerel par mètre cube d’air (µBq/m3) en France, soit 4 fois plus que le bruit de fond de l’époque, sans aucun risque sanitaire. Un niveau inférieur d’un facteur 100 à celui estimé dans l’article, juge Philippe Renaud.
Les chercheurs ont tablé sur le fait que 40% du Cs137 contenu dans du bois en combustion partirait dans l’air, le reste demeurant dans les cendres, alors que l’IRSN mise sur 8%. Et ce chiffre pourrait être réduit à «quelques pourcents» dans la litière, plus humide, et qui contient la majeure partie du Cs137 de Tchernobyl, ajoute Philippe Renaud.
Une goutte d’eau par rapport à 1986
S’il est indubitable que de légers pics de Cs137 se feront sentir sur l’Europe suite à des feux de forêt, «les enjeux en termes de radioprotection sont extrêmement faibles», juge l’expert de l’IRSN. Même s’ils atteignaient quelques dizaines de Bq/m2, comme le prévoit l’article, cela est très loin des niveaux notés en France suite à l’accident de Tchernobyl, de 10.000 à 30.000 Bq/m2, ou en Allemagne, au-delà de 100.000 Bq/m2.
Faut-il pour autant laisser les forêts de Tchernobyl se décharger lentement de leur radioactivité, sans entretien? «C’est un problème économique, et je ne vois pas trop ce qui pourrait inciter les autorités ukrainiennes à mettre de l’argent là-dedans», juge Philippe Renaud, selon qui «ce serait un luxe». Quant décontaminer la forêt d’une surface aussi gigantesque, notamment en y enlevant la litière, la tâche est tout simplement impossible.
Journal de l’environnement

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