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« On fait tout, la carrosserie, les vidanges, on répare les moteurs… » Bonnet sur les oreilles et cigarette aux lèvres, Amadou accueille les clients sur l’asphalte défoncé du Clos-Saint-Lazare, cité sensible de Seine-Saint-Denis.

« On est là tous les jours, de 10 heures à 21 heures Même le dimanche », détaille ce quinquagénaire malien, dont les mains pleines de cambouis contrastent avec un impeccable trench-coat noir.

Derrière lui, en rang d’oignons, une dizaine de voitures en panne témoignent du succès de ce garage à ciel ouvert, coincé entre deux barres d’immeubles délabrées.

Un mécanicien en bleu de travail s’affaire sous un Renault Espace désossé. Une 206, les roues démontées, attend qu’on vienne inspecter sa carrosserie, entourée de cartons et de taches de graisse.

Joint de culasse, filtre à air, aile enfoncée… Ici, chacun possède sa spécialité. « On travaille ensemble, on est en équipe », précise Amadou, en s’essuyant les mains sur un chiffon noirci.

Une Citroën arrive, pare-chocs déboîté. « C’est pour le carrossier », lance le mécanicien en chef, avant de confier l’affaire à un confrère. Un coup d’œil, une rapide négociation, l’affaire est conclue : « quinze euros », pièces et main-d’œuvre — deux vis, cinq minutes.

Des prix qui défient toute concurrence, le bouche à oreille pour toute publicité : ces ateliers « sauvages » se multiplient au pied des tours d’immeuble.

« Ce ne sont pas des trafics organisés, mais en général des pauvres bougres qui n’ont pas d’autre revenu », décrit une source policière, qui voit le phénomène se développer depuis « une quinzaine d’années » en Seine-Saint-Denis.

« Ce qui a favorisé la mécanique sauvage, c’est l’accès de l’automobiliste lambda aux pièces détachées », via des sites internet spécialisés, complète un cadre de la mairie de Bondy, où plusieurs garages informels ont pignon sur rue.

Mécanicien depuis 15 ans, Salim, crâne dégarni et lunettes en métal, profite à plein du phénomène. « Tu vas sur leboncoin, tu rachètes un capot, ça coûte beaucoup moins cher que dans un garage », explique ce quadragénaire, qui officie dans une cité de Bobigny.

Totalement hors-la-loi, ces garages n’en sont pas moins un secret de polichinelle. Au point que parfois, c’est en dépanneuse que les voitures sont apportées aux mécanos clandestins.

« J’en amène tous les jours », s’amuse Mohamed, en actionnant son plateau-remorque. A bord : une Peugeot dont vont s’occuper les collègues de Salim. « Avec la crise, ça tourne bien », acquiesce le mécanicien, formé « dans un garage en Algérie »…..

 

Source

Merci à Franck Haudeporc

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