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L’affaire de la Grèce prend la tournure à laquelle il fallait s’attendre: après deux ou trois ans d’austérité qui ont vu son PIB régresser d’un tiers et après le retour à la case départ, c’est-à-dire à l’année de l’entrée dans l’Euro, les Grecs en ont par-dessus la tête et finissent par s’y prendre mal avec des dirigeants qui jouent les enfants terribles et des habitudes de ne pas payer leurs impôts qui deviennent déplaisantes.

Ils n’ont pas raison de prendre leurs partenaires pour des abrutis. Ils n’ont pas raison de ne faire de réformes que celles qui ne coûtent pas trop chères aux contribuables. Mais les autres pays de l’Eurozone, n’ont pas raison de ne pas écouter les messages que passent mal les Grecs. Les Allemands, en premier, ont tort d’afficher des airs offusqués à la manière de la vieille tante sans enfants qui ne supporte pas le bruit de la marmaille des autres.

On le sait, l’Allemagne se prend pour un modèle. Elle n’est pas la seule en Europe à avoir eu cette idée. Pour autant, l’Allemagne devrait se souvenir que les modèles sont des denrées fragiles et qu’il suffit de quelques mois pour que s’inversent des tendances qu’on croyait écrites dans le marbre. L’exemple de la Finlande devrait sonner douloureusement dans l’oreille de sa grande sœur en méritocratie. 

La Finlande, ce pays qui ne ressemble pas à la Grèce

Si on devait comparer les Finlandais avec les Grecs, on dirait qu’ils sont parfaitement opposés. Les souvenirs du passé démarrent quelques siècles après JC en Finlande et quelques millénaires avant en Grèce. La Grèce a une belle collection de temples grecs, en Finlande, il y a une gare centrale en granit (On a les Parthénon qu’on peut!). Enfin, on sait qu’il y a en Finlande autant de lacs qu’il y a d’îles en Grèce! La Finlande serait en creux ce que la Grèce est en bosse?

Une autre différence? Le village du Père Noël est en Laponie. La Finlande serait le pays du Père Noël et des cadeaux aux petits comme aux grands? Ne nous leurrons pas ! Voici une autre différence avec les Grecs: la Finlande n’est pas le pays qui aura offert à l’Humanité des cadeaux qui secouent les civilisations. Le village du Père Noël est un coup touristique.

Selon certains linguistes, le mot “cadeau” n’existerait pas dans les langues finno-ougriennes ! L’installation du père Noël ne peut donc qu’être récente. La preuve? Son peu d’effet sur le comportement social des Finlandais. Les Espagnols l’ont bien compris. Pas de cadeaux à attendre des Finlandais. Revenons en arrière: l’Espagne est à genoux, son système bancaire a explosé en plein vol, ravagé par une crise immobilière monstre comme les subprimes avaient ravagé le système bancaire britannique après avoir démoli l’américain.

Les Finlandais ne connaissent pas les “cadeaux”

L’Europe de l’Euro s’est mobilisée et a voulu mettre en place des mécanismes de sauvegarde de même qu’elle était intervenue au secours de l’Irlande et de son système bancaire tout aussi désastreusement atteint. A peine ces idées avaient-elles cheminé que la Finlande excipait de son sens des responsabilités, de son respect total à l’égard des obligations européennes et particulièrement celles qui étaient attachées à son inclusion dans l’Eurozone. Elle parla fort et haut des pays du Sud, cigales quand elle avait toujours su demeurer fourmi.

“Pas de cadeaux” se récria la Finlande ! A l’égard des Espagnols d’abord quand on mit en branle le nouveau “MES” (mécanisme européen de sauvetage). Pas de solidarité avec les fautifs. La voix de sa vice-première ministre, ministre des finances, Jutta Urpilainen se fit forte et sûre d’elle: “La politique finlandaise est stricte, mais (…) nous avons respecté toutes les règles approuvées avec les autres Etats“. Cela s’entendait ainsi : les Justes n’ont pas à subir les conséquences des erreurs de ceux qui ont méconnu le “droit chemin” et ses contraintes. La Finlande marqua son opposition sur à peu près tout et, précisément, les prêts aux banques espagnoles.

Pas de cadeaux ! Et aussitôt de prétendre s’affranchir des règles de solidarité posées entre les Européens et d’exiger, seule parmi tous les européens, des garanties de la part de Madrid ! Même les Allemands n’étaient pas allés aussi loin.

Des voies d’eau dans le navire-modèle

Ils ne se déjugèrent pas lors de “la crise grecque” et furent peut-être pires.
Lors du deuxième plan d’aide à la Grèce, les Finlandais s’en furent signer un accord bilatéral avec Athènes : il lui était garanti que les sommes prêtées lui seraient rendues intégralement. La Finlande pensait vraiment beaucoup de mal de l’Europe du Sud ! Prudente, en revanche, la Finlande ne menaça pas de quitter l’euro ! Par la voix de ses gouvernants, elle se laissa même à déclarer que la monnaie commune lui était bénéfique.

Vertueux, le pays continua à donner des leçons d’orthodoxie budgétaire jusqu’au moment où un chef de gouvernement Finlandais s’exclama: “Apple m’a tueR” fracassant ainsi l’image du modèle. Il faut expliquer ce qui avait mal tourné dans ce modèle de rêve alors qu’on vient juste d’expliquer comme les Finlandais fiers de leurs réussites avaient su tancer les Européens du Sud.

En bref: les Finlandais devaient tout à leurs compétences technologiques. Ils devaient aussi beaucoup à leurs immenses ressources forestières. Grâce à Nokia et au goût de la téléphonie intelligente toute une économie sophistiquée avait poussé et répandu sa manne sous forme d’un emploi durable, d’une balance commerciale super-équilibrée et d’une disparition presque totale du chômage. Fin du premier acte.

Pas de chance ! Dans le domaine des nouvelles technologies rien n’est acquis, les cheminements d’entreprises sont sans cesse en butte à des buissonnements. Nokia avait raté le bon buissonnement. Apple, puis Samsung, créèrent les nouveaux marchés de la téléphonie. Fin du deuxième acte: la brillante économie vacille.

Pas de chance ! Ce triste évènement survient à un moment où l’économie européenne s’effondre et la Finlande, pays modèle, donné en exemple pour sa bonne gestion des finances publiques se trouve emporté dans une vilaine tourmente économique.

Le PIB s’est contracté de 8,5% en 2009. L’activité tenta une remontée en 2010, mais se heurta à la débâcle de Nokia et de l’industrie téléphonique. Non seulement la haute technologie était atteinte mais aussi l’industrie du papier et l’exploitation des immenses ressources forestières. L’économie finlandaise a alors subi, années après années, la régression de son PIB.

Les Finlandais sont-ils des Grecs en puissance?

Le Premier ministre finlandais Alexander Stubb a fait comme tous les premiers ministres acculés par les faits : il s’est lancé dans des imprécations contre Apple. “Nous avions deux piliers sur lesquels nous reposions: l’un était les hautes technologies avec Nokia, l’autre l’industrie papetière… l’iPhone a mis KO Nokia et l’iPad, l’industrie du bois” (en accélérant la baisse de la demande de papier).

Ce qu’il n’a pas dit est que le beau Modèle a pris l’eau ! Le respect des engagements européens a commencé à devenir un fardeau. L’endettement public est passé à 60,3% en 2014, légèrement au-dessus des 60% autorisés par le traité de Maastricht. Facteur aggravant, comme pour l’Allemagne, la démographie Finlandaise annonce des armées de seniors dans les années à venir avec des caisses de retraite qui ne tiendront pas le choc. Rien d’enthousiasmant pour l’instant et pour le proche avenir.

C’est alors que la Finlande s’est aperçue que l’Europe, la vraie, l’Europe institutionnelle, celle qui supervise les ratios, les obligations de Maastricht et les dépassements en tous genres, pourrait lui demander de faire des efforts pour éviter de tomber dans les travers Grecs, Italiens et même Français. Au rythme où la Finlande détruisait des emplois et voyait ses avantages compétitifs s’étioler, la question de la dégradation des finances publiques a commencé à devenir un vrai sujet de discorde avec les autorités de Bruxelles.

Ce beau pays est-il en train de faire le Grec ? On pourrait le croire en relevant que la ministre finlandaise des Finances, Jutta Urpilainen, s’est interrogée sur une drôle d’idée : ne pas respecter les engagements maastrichtiens. Il s’agirait de procéder avec mesure et d’enfreindre avec prudence et méthode les règles d’endettement pour restructurer l’économie. Vous avez bien lu: les Finlandais qui sont en infraction considèrent que la loi européenne n’est pas faite pour eux car elle pourrait entraver le redéploiement de l’économie et la réduction du chômage.

Pauvre Finlande ! Elle caracolait, pavoisait et même se pavanait: elle commence à traiter de carcans les contraintes européennes. Elle donnait des leçons à tout le monde et, maintenant, dénonce les appétits insatiables d’un capitalisme interlope. Elle expliquait que, petite, elle avait su jouer dans la cour des plus grands de l’économie mondiale: aujourd’hui elle a vendu son fleuron à un représentant de ce même capitalisme.

On va finir par lui faire remarquer qu’elle fait la grecque plus qu’à son tour. Ce n’est pas juste.

LE HUFFINGTON POST

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