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Il ne s’agira ici que des inégalités de revenu. Pour cet exercice, on est totalement dépendant des bases de données mondiales. La moins mauvaise, que j’ai utilisée, est sans doute celle de la Banque mondiale. On est également dépendant de l’indicateur d’inégalités, et, au fil des ans c’est l’indice de Gini qui s’est imposé alors que d’autres, plus faciles à comprendre, auraient été aussi pertinents pour les citoyens et pour le débat public.

Mais dans de tels cas, les préférences des statisticiens, au demeurant compréhensibles sur le plan technique ou logique, l’emportent presque toujours sur l’accessibilité, ce que je trouve regrettable. Il faudrait au moins maintenir une double entrée.

Il faut juste savoir que le Gini est compris entre 0 et 100, 0 étant l’égalité parfaite et 100 l’inégalité extrême où un seul individu percevrait tous les revenus du pays. Mais plutôt que de vous faire un cours d’introduction à sa méthode de calcul (vous trouverez cela par exemple sur Wikipedia), voici comment interpréter aisément les chiffres qui vont suivre. Il existe en effet deux autres indicateurs très simples et QUI DISENT PRATIQUEMENT LA MÊME CHOSE.

Le premier est le rapport, dans chaque pays, entre le revenu total (ou le revenu moyen, c’est le même rapport) des 10% les plus riches et celui des 10% les plus pauvres. Jusqu’en 2008, on le trouvait encore dans les données mondiales, en particulier celles du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement).
Il a disparu, c’est bien dommage. Or on constate, en comparant (pour les dernières années où les deux indicateurs ont été publiés) les chiffres du Gini et ceux de cet indicateur plus simple, qu’ils sont très fortement « corrélés », qu’ils fournissent à peu près le même classement, la même image des inégalités. Pour les forts en stats, la « corrélation logarithmique » entre ces deux indicateurs a un coefficient R2 de 0,9.
MAIS IL Y A ENCORE PLUS SIMPLE, même si c’est nettement moins parlant en termes d’inégalités entre « le haut » et « le bas ». C’est l’indicateur qui fournit la part du revenu total des ménages perçue (ou « accaparée », selon vos préférences) par les 10 % les plus riches. Qui plus est, sa relation avec le Gini est quasiment linéaire, avec une corrélation exceptionnellement forte (graphique ci-dessous). Je le retiendrai donc également pour le tableau.

Dans le tableau ci-dessous, j’ai retenu 25 pays, et j’ai dans les deux dernières colonnes « traduit » le Gini dans les termes des deux autres indicateurs. C’est quand même plus parlant non ? Cliquez sur le graphique pour l’agrandir. Bien entendu, tous ces chiffres sont entachés de marges d’erreur, mais on peut malgré tout se fier aux ordres de grandeur.

Je vous laisse le soin de commenter ce tableau. Je ne vais pas tout faire à votre place… En réponse à un commentaire reçu peu de temps après la mise en ligne, voici, selon la même source, le Gini de la Grèce : 34,7
Mais j’ajoute quand même une remarque de méthode. Qu’il s’agisse du Gini ou des deux autres indicateurs, ils ne sont que modérément sensibles à une éventuelle explosion spécifique des inégalités extrêmes, celles qui correspondent à une forte hausse des revenus des 1% ou des 0,1% les plus riches.
C’est pourquoi, en complément des indicateurs utilisés dans ce billet, il est important de disposer de travaux sur les inégalités extrêmes, de revenu comme de patrimoine.
On finit par se demander si le recours privilégié au Gini avec l’argument (exact) qu’il est statistiquement plus satisfaisant parce qu’il synthétise l’ensemble de la distribution des revenus, ne sert pas parfois à tenir les citoyens « normaux » à distance. Quels sont les citoyens qui savent qu’une progression du Gini de « seulement » 30 à 33 en une dizaine d’années signifie que le rapport moyen entre les « déciles » extrêmes est passé en gros de 7 à 8,5, ce qui constitue un vif accroissement des inégalités ?
Alternatives Économiques

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