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Pour Thierry Brulavoine, Michel Lepesant et Christine Poilly, tous trois membres du Mouvement des objecteurs de croissance, “les partis médiatiques prouvent tous les jours leur incapacité à proposer la moindre mesure qui ose accepter la réalité d’un monde fini”. “C’est pourquoi, écrivent-ils, il faut appeler politiquement à une recomposition électorale autour d’un pôle antiproductiviste et anticonsumériste, donc anticapitaliste et révolutionnaire”.

Les partis de gouvernement et d’opposition, de la droite à la gauche, se sont engagés depuis des décennies dans une quête effrénée de croissance, par la promotion du consumérisme et du « progrès » technoscientiste. Les effets de ces politiques sont pourtant implacables : les 67 milliardaires les plus riches de la planète détiennent autant de richesse que les 3,5 milliards d’humains les plus pauvres ; le 5e rapport du Giec annonce une augmentation de 4,8 °C d’ici à la fin du siècle, induisant des événements climatiques extrêmes, une insécurité alimentaire, une perte de biodiversité, plus de migrations contraintes…

A moins d’afficher le plus grand cynisme présent ou le plus absurde aveuglement sur le futur, comment ne serait-il pas urgent de penser un autre modèle de société, pour revenir sous les plafonds de la richesse indécente et de l’insoutenabilité écologique ? La richesse des plus riches doit décroître, notre poids écologique global doit décroître. Ce qui revient à envisager une décroissance de l’empreinte écologique et donc du PIB, qui lui est mécaniquement associé.

Quand les plafonds sont dépassés, la responsabilité n’est plus de se demander comment rester dans le même monde avec une croissance nulle : il faut maintenant avancer vers une société dont les indicateurs écologiques et économiques repasseront sous les seuils de l’injustice sociale, de l’absurdité économique et de l’irresponsabilité écologique.

Partout et déjà, des objecteurs de croissance se mobilisent pour mettre en œuvre et expérimenter des alternatives concrètes (Amap, monnaies locales, SEL, écoconstruction, agriculture urbaine, habitats partagés ou mobiles…). Beaucoup d’entre nous luttent contre les grands projets inutiles (aéroport de Notre-Dame-des-Landes, usine des 1 000 vaches, barrage de Sivens…) ou les projets extractivistes (gaz de schiste, biomasse…) qui tuent l’agriculture paysanne, détruisent la biodiversité, polluent l’eau, l’atmosphère, les sols, et qui engloutissent l’argent public au nom de la croissance, dans un parfait déni de la démocratie réelle. A partir de ces expérimentations minoritaires et de ces luttes, les décroissants produisent leurs propres théories de la pratique : ainsi vient de se tenir à Leipzig une conférence internationale autour du slogan « Votre récession n’est pas notre décroissance » qui a réuni 3 000 chercheurs du monde entier ; à Cerbère (France), les 9es Rencontres de l’objection de croissance ont rassemblé de nombreux pionniers sur le thème : « La croissance, c’est terminé. Vive la décroissance ! »

Les partis médiatiques prouvent tous les jours leur incapacité à proposer la moindre mesure qui ose accepter la réalité d’un monde fini : au mieux, ils oscillent entre « croissance verte » et « développement durable ». Au pis, ils continuent de promettre une croissance messianique qui ne ferait qu’approfondir les difficultés.

C’est pourquoi il faut appeler politiquement à une recomposition électorale autour d’un pôle antiproductiviste et anticonsumériste, donc anticapitaliste et révolutionnaire, et contribuer au débat pour mener des politiques au service d’une vie bonne au sein d’une société juste. La décroissance est un vrai défi collectif, elle doit être sereine et démocratique, portée par de « belles propositions » en vue d’une nouvelle organisation sociale.

Alors que le chômage continue d’augmenter, la logique capitaliste conduit les salariés français (à plein temps) à travailler 1 660 heures par an pour produire des objets vite obsolètes et achetés à crédit : il faudrait « travailler tous pour travailler moins », par une RTT drastique, par un droit inconditionnel au temps partiel choisi, par la garantie d’un revenu inconditionnel d’un montant décent. Une production n’est justifiée que si elle est tournée vers la réalisation de biens socialement utiles, sobres en énergie, utilisant les ressources locales et renouvelables, autogérés dans une démocratie de proximité.

La reconversion écologique de la société passera par une économie relocalisée, par des territoires redynamisés (services publics de qualité, transports de proximité…), par des reconversions drastiques (décidées unilatéralement) dans les secteurs « nuisibles » comme l’armement, l’automobile, l’agro-industrie, le nucléaire ; elle pourra être financée par l’instauration d’un revenu maximal (plancher/plafond de un à cinq).

Ralentissons le rythme de nos consommations : en interdisant l’obsolescence programmée et en coupant net le bras armé du capitalisme qu’est la publicité. Ralentissons nos déplacements : à l’heure de la transition énergétique, nouveaux aéroports et nouvelles lignes TGV sont des escroqueries.

Retrouvons le temps du partage et de la démocratie. Non à leur récession imposée, oui à une décroissance sereine et démocratique.

Marianne

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