Fdesouche

Julien Goron est ethnologue. Pendant sept années, il a mené une étude au sein de l’Institut national du football de Clairefontaine. Pour lui, les entraîneurs de football ne sont pas “animés de pensées racistes”. Si les propos de Willy Sagnol ont pu choquer, c’est que l’opinion publique ignore le langage utilisé dans “cet univers clos et confiné qu’est le monde du ballon rond”. D’ailleurs, les mêmes seront peut-être outrés de découvrir une pratique : le recours aux “présus”, des joueurs étrangers dont l’âge officiel a été minoré…

(…) Cette filiation, les entraîneurs de club pro la tienne aussi à partir de ce qui se passe dans les équipes de jeunes. Chaque week-end, en banlieue parisienne, ce sont effectivement des adolescents de couleurs qui font gagner leurs équipes. On les appelle les « présus ». C’est-à-dire des adolescents dits « présumés ». Nés à l’étranger, leurs parents les ont volontairement déclarés plus jeunes pour qu’ils aient le temps suffisant de s’acculturer et d’apprendre le français. Entre 13 et 15 ans, les écarts de croissance sont parfois stupéfiants. Ces apprentis footballeurs sont donc plus performants. C’est la raison pour laquelle les clubs utilisent cette faille du dispositif.

Un « présu » constitue donc une arnaque pour un club professionnel. Mais c’est aussi un leurre qui permet de semer une confusion générale. Il permet de s’accaparer, à moindre coût, des talents précoces qui ont en fait un âge officiel en décalage avec leur âge biologique. C’est la raison pour laquelle, au moment de la détection des jeunes, des radiographies du poignet sont réalisées pour évaluer l’âge osseux de l’adolescent. C’est le cas à Clairefontaine. Les jeunes talents prometteur nés en France et dont la croissance est plus tardive peuvent donc potentiellement rencontrer des difficultés pour tirer leur épingle du jeu.

Devant cette injustice bien connue de la Fédération française de football, de très bons joueurs – mais aussi leurs parents – se découragent et passent donc à la trappe. Cela a des conséquences sur le nombre de jeunes talents pouvant prétendre à l’équipe de France. Cet abandon est parfois interprété, dans la pensée spécifique des recruteurs de clubs professionnels, là encore, comme une forme de « sélection naturelle »…

Marianne

Source

Merci à Colargol

Fdesouche sur les réseaux sociaux