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Papier de Claude Askolovitch, journaliste

Leur chance est qu’ils sont loin de nous, nos Bleus de tout là-bas qui vont jouer pour eux et que nous commentons, faute d’avoir une vie. C’est une manie qui reprend, faire du ballon l’artefact du roman national, et comme nous sommes au temps où la France se fatigue d’elle-même, on attend des footeux qu’ils nous guérissent, pauvres gosses. On vient à peine d’arrêter de les mépriser et déjà on cristallise, on symbolise, donnez-nous le moral et sinon, il nous reste quoi? La gauche meurt dit Valls, la droite meurt constate Bygmalion, l’extrême droite charrie la mort, pâles Atrides de Montretout, mais le football est vivant. […]

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1998. Le Front national a fait trembler le système aux régionales, on s’en est sorti, Jospin gouverne et la gauche ne se voit pas disparaître, Lionel fête son anniversaire le jour de la finale. Quatre ans après, bernique. Finalement, ça n’avait rien à voir. Plus de Jospin, plus d’harmonie, la France n’allait pas bien. Le Pen a volé la présidentielle, Le Pen qui n’aime pas cette équipe, tiens donc, si peu gauloise et pas assez chanteuse de sang impur, sa fille prendra la suite, évidemment, dans la détestation du jeu. Le football a cessé de s’appartenir. Les fachos l’ont pris en grippe, les progressistes l’ont investi, les patriotes le fantasment, et ils s’écroulent avec ses mésaventures. […]

Enfin arrive Knysna. Ce n’est que du football. L’explosion d’un groupe mal formé, l’épuisement d’un managériat de la tension, un vestiaire violé… Mais l’explosion arrive à pic pour jouer 98 à l’envers et rencontrer des élites mures pour la haine, puisqu’elle les nourrit désormais. Les Bleus ? “Une bande de voyous qui ne connaît qu’une seule morale, celle de la mafia”, proclame alors Alain Finkielkraut, qui finira à l’académie, qui moquait déjà en 2005 une équipe « black-black-black », qui construit de rages en raccourcis ce personnage aujourd’hui triomphant d’imprécateur d’un pays défait par ses composantes allogènes, penseur pantelant des français de souche dépossédés, qui théorise une actualité qu’il ne vit plus mais métaphorise pour toutes les aigreurs de ses contemporains. Gourcuff est son bon élève persécuté par les caïds,  comme dans les salles de classe de ses fantasmes, et tout ceci serait la faute des tensions ethniques, religieuses… Religieuses ?

Evidemment. On dénonce alors le buffet halal de l’équipe de France, responsable de la déroute. Musulmane aussi, cette équipe ne saurait gagner ?

Le football de l’harmonie républicaine est devenu le paradigme de la France communautarisée… En réalité l’exutoire de l’identitarisme dominant et de l’islamophobie consensuelle. Tout ceci est idiot. Mais l’idiotie est maitresse de l’heure, et elle prend, et elle dure, devient la norme, comme la boursouflure. […]

Huffington Post

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