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Une étude américaine menée par le docteur Francis Boscoe révèle que les types de cancer varient selon que l’on est riche ou pauvre. La mortalité touche différemment elle aussi. Le cancer du col de l’utérus serait par exemple plus fréquent chez les précaires.

Le Dr Francis Boscoe, dans un étude publiée dans la revue Cancer, montre que la richesse ou la pauvreté de la personne aurait un lien avec le type de cancer développé.

Dans une étude précédente, menée par l’Université de Davis, en Californie et publiée en 2011, les chercheurs avaient constaté que les personnes ayant des faibles revenus avaient 50% de risque en plus de développer des problèmes cardiovasculaires. Cette fois, les chercheurs ont trouvé des liens entre le statut socio-économique et le type spécifique de cancer. Pour cela, l’équipe de chercheurs a analysé 2,9 millions de personnes a qui on avait diagnostiqué un cancer entre 2005 et 2009. Ces participants provenaient de 16 Etats des Etats-Unis.

Ils ont ensuite été divisés en cinq groupes en fonction de leur niveau de pauvreté, évaluée au moment où le diagnostic avait été fait. L’équipe n’a pas trouvé de lien entre le statut socio-économique et l’apparition d’un cancer, mais a trouvé un lien entre le statut socio-économique et le type de cancer. Sur 39 types de cancers sélectionnés, 32 ont été associés à la pauvreté, 14 sont plus fréquents dans les milieux avec un niveau de pauvreté très élevé, et 18 dans les milieux plus aisés.

Nicole Delépine : Les conclusions du docteur Francis Boscoe ne nous étonnent guère car ces constatations ont déjà été faites en France (par exemple dans le rapport de Gwen Menvielle de 2008). Quand on est pauvre,on est davantage exposé aux cancers et de plus aux cancers les plus graves ! Une distribution inégale des facteurs de risques de cancer explique la survenue plus fréquente des cancers chez les personnes défavorisées qui adoptent davantage des comportements à risque (boire trop, fumer trop, manger moins de légumes verts et de fruits frais).

Mais il ne faut pas culpabiliser les pauvres car beaucoup de leur cancer proviennent de leurs conditions de travail. Les ouvriers sont ainsi davantage exposés professionnellement aux facteurs cancérigènes de l’industrie.

Ce ne sont pas les personnes favorisées qui sont le plus exposées aux goudrons, à l’amiante, aux radiations ionisantes …Ce sont des précaires sans grande connaissance et surtout sans possibilité de se protéger, qui travaillent sans protection pour réparer nos centrales atomiques. Ils n’ont guère le choix s’ils veulent nourrir leurs familles .

De plus et surtout aux USA en tous cas, jusqu’à une période récente, les soins dépendaient des ressources directes du malade . Je me souviens à Los Angeles d’un patient curable mais ne recevant que neuf cures de chimiothérapie alors que son type de cancer était réputé devoir en recevoir 18 pour le guérir …mais il ne recevait que ce qu’il payait. Les études épidémiologiques bien sûr tentent de lisser ces facteurs mais la “gravité” d’un cancer tient souvent plus à la qualité d’un traitement choisi qu’à une gravité intrinsèque . On voit disparaitre tel ou tel facteur de risque péjoratif lorsqu’un traitement plus efficace apparait . Cela s’appelle “effacer les facteurs de risque péjoratifs” .

Alors, les études sont très difficiles à interpréter sans regarder de très près comment ont été pesés ces différents éléments. Mais il faut absolument garder ce doute en tête. Même en France où la sécurité sociale permet encore à tous d’être soignés correctement , les facteurs socioéconomiques jouent en facilitant la vie de ceux qui peuvent interrompre leur emploi, se loger ou se déplacer facilement. Le récent plan cancer, en facilitant préférentiellement l’aide aux problèmes sociaux des patients acceptant l’inclusion dans les essais thérapeutiques alors que les autres malades continuent à se battre avec leur caisse pour des remboursements d’ambulance justifiée, introduit une nouvelle inégalité en faveur de la recherche préférentiellement aux soins. Ceci n’est pas sans poser des questions éthiques.

Une différence de plus avec les USA : Le surplus de cancers du col de l’utérus chez les personnes défavorisées remarquée aux USA n’est guère observé en France car la fréquence de ce cancer est devenu faible (1000 morts par an) depuis les pilules et la pratique régulière de frottis qui sont bien remboursés en France .

Quels sont les facteurs, notamment socio-culturels qui expliquent qu’il y a des cancers de pauvres et des cancers de riches ?

Les cancers des pauvres traduisent leurs facteurs étiologiques avec un surplus de cancers du poumon et des voies aériennes supérieures (très liés au tabac, à l’alcool ou à l’amiante) et ce sont malheureusement les plus graves, ceux dont les taux de guérison sont les plus faibles.

Les cancers dont souffriraient les pauvres selon cette étude sont aussi les plus mortels. Ces types de cancer sont-ils plus difficiles à soigner ou les traitements sont-ils moins efficaces ?

Investit-on moins dans la recherche sur ces cancers-là ? Le dépistage joue-t-il aussi un rôle ? Lequel ? Comment l’expliquer ?

On investit autant sinon plus dans ces cancers que dans les cancers des riches ; car il s’agit de cancers fréquents et donc de marchés potentiellement très rentables. Mais si la recherche est stimulée par l’argent, la découverte, elle, est la résultante de facteurs plus complexes et nécessite la liberté qui a été considérablement réduite dans les dernières décennies. L’effondrement scientifique de l’URSS des dernières années a démontré clairement que sans liberté, pas de découverte.

Si on ne trouve pas ce n’est pas parce qu’on manque d’argent mais parce la pensée unique en médecine comme ailleurs élimine les esprits libres et donc la créativité .

Le dépistage ne joue pas de rôle réel dans les inégalités face aux cancers. L’exemple du cancer du sein est caractéristique. Si on est favorisée, on se fait dépister régulièrement et on se fait diagnostiquer plus souvent le cancer du sein ! Mais comme le dépistage fait surtout du surdiagnostic (5 à 25 % selon les études ) et que les traitements modernes (lorsqu’ils sont accessibles aux pauvres comme en France) ont considérablement diminué, l’intérêt du dépistage systématique est de plus en plus contesté. La mortalité globale est pratiquement la même qu’on soit riche ou pauvre et les défavorisées ont finalement évité des parcours du combattant de biopsie en traitement et en angoisse inutile, en destruction de familles .

Le même raisonnement peut s’appliquer pour le dépistage du cancer de la prostate probablement plus souvent fait dans les couches socio-économiques plus favorisées et qui n’apportent probablement plus d’inconvénients que d’avantages.

La surmédicalisation des citoyens dans un pays comme la France où tout semble être permis en multiplication d’examens et donc de complications de ceux –ci , protège peut-être les moins favorisés de dégâts de l’angoisse engendrée par la médiatisation de tout ce qui pourrait vous arriver.

La pauvreté protège- t-elle parfois ?

Les deux premiers plans cancer se flattent de progrès considérables … dans l’organisation de la recherche et des soins mais malheureusement pas en termes de survie des patients malgré près de trois milliards de dépenses directement pour la bureaucratie.

Le troisième plan cancer veut lutter contre les inégalités mais n’aborde quasiment pas les problèmes d’environnement et en particulier en matière d’inégalité au travail.

Une nouvelle fois, il veut culpabiliser le citoyen lambda, diriger sa vie y compris privée, mais ne surtout pas s’attaquer aux problèmes de fond d’environnement, d’alimentation, d’eau, de vaccinations enfin de tout ce qui à long terme aura à coup sûr un impact sur la fréquence des cancers mais que de forts lobbies n’ont pas envie qu’on aborde vraiment.

Je ne suis pas favorable à la théorie du complot qui soutiendrait que finalement on n’a pas tant que cela envie de guérir les cancers qui font vivre tellement de gens et beaucoup plus qu’ils n’en tuent, mais on peut se poser la question .

Car par exemple pourquoi supprimer l’unité d’oncologie pédiatrique de Garches qui guérit beaucoup d’enfants et en soulagent bien d’autres depuis des décennies et à bas coût ,si ce n’est parce qu’elle fait échapper un certain nombre aux essais thérapeutiques et aux molécules plus chères que l’or.

Alors inégalités là aussi dans l’accès à l’information, dans le choix des traitements . L’inégalité dans les cancers repose à de multiples niveaux dont la synthèse pour chaque patient aboutit ou non à une guérison. Il ne faut pas simplifier. Le cancer est complexe à tous égards et le genre d’affirmations comme le sujet de cet article me laisse perplexe.

Les associations qui se battent pour la recherche pour les cancers de l’enfant n’obtiennent pas des décideurs que des grandes études épidémiologiques soient entreprises pour tenter de comprendre le pourquoi des cancers de l’enfant qui pourtant n’ont pas fumé ni bu toute leur vie. Comment les culpabiliser ? On nous dit que ces cancers seraient d’origine embryologique et donc nés pendant la grossesse ? Mais peu d’études sont réalisées. On les projette pour plus tard … pourquoi attendre ? Pourquoi ne pas fouiller systématiquement le passé, les antécédents des familles atteintes.

Peu de gens mis en garde contre l’exposition des pères aux pesticides et des mères enceintes aux teintures de cheveux par exemple.

Les inégalités viennent largement des facteurs environnementaux très peu étudiés voir cachés. Un cluster de cancer de l’enfant sur les anciens sites Kodak de Vincennes n’a jamais été confirmé. Circulez, il n’y a rien à voir … Peut être… Mais une grande transparence sur les études nous aurait intéressée. Néanmoins les riches ont déménagé et les pauvres sont surement toujours là. Les morts très jeunes dans les vignes infestées de pesticides sont connus mais occultés et ce sont les vignerons bio qui sont condamnés en justice.

Bref la médiatisation du troisième plan cancer autour de la lutte contre les inégalités risque de masquer une nouvelle fois à la population la grande pauvreté de la recherche des causes des cancers en particulier environnementales et c’est très regrettable surtout eu égard aux sommes engagées en pleine crise .

Atlantico

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