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Tribune d’Alain Duhamel sur la «France d’en bas».

L’électorat traditionnel de la gauche a viré très à droite, plus à droite que jamais à travers toute l’histoire électorale. […] Les enquêtes le confirment : pour la France d’en bas, crises d’identité, immigration, islamisme et insécurité convergent.

Il y a pire encore que les 25% de suffrages obtenus par Marine Le Pen aux élections européennes, c’est ce que le scrutin dit, mesure et confirme de l’état actuel de la société française. Au-delà du spectaculaire succès de l’extrême droite, on constate, en effet, une sorte de sécession politique et morale de la France d’en bas. Les chiffres sont accablants, les ressorts sont plus qu’inquiétants. […] Dans les années 60, la classe ouvrière, la fraction des employés qui lui étaient la plus proche et les jeunes constituaient les gros bataillons d’un Parti communiste qui rassemblait encore quelque 22% des votes. Aujourd’hui, leurs petits-enfants votent Front national.

Quant au pauvre Parti socialiste, il n’a plus la moindre assise populaire. Les lambeaux de sa grande armée électorale forment le carré parmi les classes moyennes. Le 25 mai, la France modeste s’est abstenue ou a tourné le dos à la gauche. La France d’en bas s’est vengée.

Les classes populaires rejettent foncièrement la société qui leur est offerte. Elles détestent la mondialisation, elles n’aiment pas l’Europe, elles abhorrent l’économie de marché, elles rejettent les métamorphoses des mœurs.

Elles ont le sentiment que le ciel ne cesse de leur tomber sur la tête, que la société du XXIe siècle n’est pas faite pour elles.

Comme toujours quand dominent la peur, la rancœur et la fureur, il y a aussi recherche de boucs émissaires que Marine Le Pen leur montre vigoureusement du doigt : les immigrés et les élites, couple improbable et cependant rituel.
La crise d’identité qui submerge la France populaire se tourne, en effet, contre les nouveaux arrivants et contre les mieux arrivés, c’est classique. En période de tensions, d’épreuves et d’anxiété, les plus modestes se persuadent que la dernière vague d’immigrés se produit à leur détriment. Déshérités contre déshérités, victimes contre victimes, ce qui a toujours existé se trouve aujourd’hui instrumentalisé par l’extrême droite et hystérisé par les médias audiovisuels. […] La question est maintenant de savoir si en trois ans il est possible de réduire cette fracture sociale, ce découplage sociétal.
Libération

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