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«Nous avons déjà gagné la bataille des idées», a lancé Marine Le Pen lors de son discours du 1er mai, alors qu’un sondage CSA pour BFMTV montre que si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain, la présidente du FN accéderait au 2nd tour et y obtiendrait 33%.

Interview de Christophe Bouillaud, professeur de sciences politiques à l’Institut d’Études politiques de Grenoble, et de Sylvain Crépon, docteur en sociologie et chercheur au laboratoire Sophiapol de l’université Paris-Ouest-Nanterre.

Le Français sont d’accord pour dire qu’il y a trop d’immigration en France et pour freiner les flux qui en sont à l’origine. A tel point que plus personne à l’UMP et même au PS n’ose plus dire que l’immigration n’est pas un problème.

Sylvain Crépon : Non, il faut relativiser les sondages qui ont semblé indiquer qu’une majorité des Français se sentait proches des idées de Marine Le Pen. Lorsqu’on analyse ces sondages de plus près, on constate que si 32% des Français partagent le même diagnostic que Marine Le Pen, ils ne sont que 12% à adhérer aux solutions du FN. Il faut donc bien discerner les deux notions. […]

De manière générale, les Français sont en désaccord avec les solutions du FN : la sortie de l’Euro ou encore la préférence nationale, rebaptisée priorité nationale, ne sont pas du tout plébiscitées par les Français. Tous ce qui constitue la pierre angulaire du programme du Front national est rejeté. En revanche, le Front national dénonce des problèmes réels qui font échos aux préoccupations des Français : le climat des affaires, la coupure entre le peuple et les élites, la misère sociale. Les Français se montrent très sensibles à cette dimension. Marine Le Pen a également réussi à faire sauter un tabou et «respectabiliser» certaines idées du Front national. […]

Le fait que le PS ait plus ou moins renoncé au droit de vote des étrangers est indirectement une victoire du FN. Avec un Front national à 10 %, cette réforme était possible. Elle ne l’est plus avec un FN à 18%.

Christophe Bouillaud : Et s’il y a un «corpus idéologique», est-il plus ou moins radical qu’auparavant? Pour ne prendre que cet exemple, le FN se veut, par ses déclarations récentes, de plus en plus «social», et tend à faire oublier la vision néo-libérale qui fut indéniablement la sienne dans les (lointaines) années 1980. En faisant du mauvais esprit, est-ce à dire que ce parti ambitionne désormais de devenir «national et socialiste», pour ne pas dire «national-socialiste» ? Je suppose qu’à cette seule évocation, particulièrement stigmatisante, la direction du FN se récrierait en affirmant sa loyauté envers l’économie de marché, et son refus absolu d’être assimilé au nazisme liberticide et génocidaire. […]

Dans le fond, aujourd’hui, en tenant un discours «social», le FN s’inscrit aussi dans l’air du temps. Quel parti politique va oser par les temps qui courent aller raconter aux Français que, par exemple, la finance dérégulée est bonne pour eux et pour la France? On peut ainsi dire que c’est le FN qui suit l’opinion publique, plutôt que l’inverse. Par contre, si l’on reste sur les coordonnées classiques du discours public du FN (anti-immigration, ordre public, vision traditionnelle de la famille et de la société), on peut effectivement constater que l’opinion publique va plutôt dans son sens. Par exemple, sur l’immigration, et surtout sur la place de l’Islam dans la société française, l’opinion publique se rapproche plutôt de ses positions pendant toutes ces dernières années.

Atlantico

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