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La transition énergétique faite d’économies d’énergie, et de sources d’énergies renouvelables sera un camaïeu territorial et à ce titre éminemment régional. Cela c’est pour le rêve. Car pour atteindre la réalité il faut d’urgence réformer l’enfant terrible issu de la Libération, qu’est notre système énergétique actuel, centralisé et jacobin.

Il est né le 8 avril 1846 (1) lorsque 2 000 entreprises de transport et de distribution d’électricité ou de gaz ont été nationalisées pour fonder aujourd’hui le modèle que nous connaissons. Avec l’apanage de ces deux barons de l’énergie que sont EDF et GDF-Suez (ex GDF). Ce jour là les régions (2) ont été dépossédées de leur possibilité d’action envers des réseaux qui pourtant leur appartiennent. Cet hold-up institutionnel doit céder maintenant la place à un rééquilibrage du rapport entre autorités concédantes et concessionnaires.

Aujourd’hui, le monde a changé, des technologies de l’information à notre organisation économique. Mais le modèle lui n’a pas changé. Il reste en place contre vents et marrées et les majors n’ont pas vraiment intérêt à ce que cela change.

Transition énergétique : “Laissez-nous faire!”

Pourtant, à l’occasion du débat sur la transition énergétique, c’est ce que réclament les régions avec force. Notamment par la voix de Michel Delebarre, sénateur-Maire de Dunkerque qui réclame à grands cris “Laissez-nous faire!”. Et Dominique Gros, maire de Metz d’enfoncer le clou “Qu’on ne nous impose pas le système jacobin à perpétuité !… Il nous manque à présent la légitimité à mettre en cohérence tout ce que nous faisons déjà!”.

C’est la raison pour laquelle les collectivités appellent de leurs vœux la création d’autorités organisatrices de l’énergie sur le territoire afin de changer les règles du jeu. Que l’autorité des décideurs régionaux puissent s’exercer, et que tout ne se décide plus en haut lieu entre quelques mains.

Il y a quand même quelques bonnes nouvelles, des signaux intéressants, comme RTE (Réseau de Transport d’Electricité) et la Datar (Direction de l’Aménagement du Territoire) qui ont décidé d’engager une démarche de coopération afin de préparer l’insertion des énergies renouvelables dans le réseau de transport d’électricité et d’assurer la solidarité électrique entre les régions pour garantir l’attractivité économique des territoires.

Les deux acteurs s’engagent à coordonner la planification des projets de production d’énergie renouvelables et celle des ouvrages du réseau de transport, à l’occasion de la réalisation des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables.

Car un rapport de 2010 de la Commission de Régulation de l’Energie, révélait déjà la dégradation du réseau de distribution du fait de l’insuffisance des investissements. Sans reprise en main de l’entretien et du développement, le transport des énergies renouvelables lui donnerait le coup de grâce.

Notre voisin outre-Rhin n’est pas en reste devant le problème que lui pose le remodelage urgent du réseau de distribution, devant la fantastique montée en puissance des énergies renouvelables, solaire en tête. Car elles fournissent déjà près de 25 % de l’électricité du pays. Et la Fédération allemande de l’industrie solaire comptabilise déjà 1,3 millions d’installations solaires fournissant environ huit millions de foyers, soit 45 % de plus que l’année précédente ! Exemple à suivre.

Transition énergétique et égalité des territoires

Dans sa contribution au rapport “Vers l’égalité des territoires”, Gérard Magnin, Délégué Général d’Energy Cities (un réseau de 1 000 villes sur plus de 30 pays qui oeuvre pour une transition énergétique durable) souligne que “…la centralisation de notre système énergétique est la marque de fabrique de notre pays” et que “Vu d’une compagnie ou d’une administration nationale toutes ressource locale est négligeable et n’est généralement même pas considérée…la responsabilité des collectivités locales en matière énergétique, en dehors de celles qui avaient souhaité conserver leur compagnie locale de distribution, a été niée. Bien que responsables de la distribution de l’électricité sur leurs territoires, et propriétaires des réseaux, elles ont, dans les faits, surtout été incitées à ne rien faire”.

Les choses doivent donc changer pour mettre en place une vraie transition, autre qu’une opération cosmétique autour d’un système inamovible, faute du courage politique indispensable pour faire bouger les lignes. Mais les régions veulent faire entendre leur voix.

Les régions veulent se faire entendre

Elles entendent bien monter au créneau à l’occasion du débat sur la transition énergétique. Elus et citoyens veulent porter leur voix pour faire entendre leur différence. La meilleure manière de le faire étant de prendre des initiatives de toutes sortes.

En Bretagne, le collectif Gaspare (Garantir l’avenir solidaire par l’autonomie régionale énergétique) dévoile son «Scénario électrique alternatif breton» en réponse au «Pacte électrique breton» qui intègre le projet d’implantation d’une centrale à cycle combiné gaz (CCCG) en Bretagne.

Pays de la Loire, veut également suivre cette voie en s’inspirant du cultissime scénario négaWatt, qui consiste à d’abord économiser l’énergie avant de songer à produire. L’association Virage Energie-Climat, soutenue financièrement par le Conseil Régional, a chiffré les besoins en énergie pour le chauffage, les déplacements et l’électricité à l’horizon 2050.

La comparaison par usage des besoins régionaux avec le potentiel d’énergie finale renouvelable montre que tous les besoins énergétiques des Pays de la Loire pourraient être couverts par des énergies renouvelables (ENR), produites sur le territoire régional en 2046 » conclu l’association.

La région pourrait même devenir exportatrice nette d’électricité renouvelable, à partir de 2047 contribuer à alimenter d’autres régions fortement consommatrices, mais au potentiel de production d’ENR limité comme l’Île-de-France.

En Rhône-Alpes, les associations se mobilisent pour organiser des ateliers de rencontre, dont la 1ère conférence s’est tenue dès décembre 2012. Il s’est déroulé une vingtaine de débats et autant à venir. Compte-tenu de l’importance économique de la région, une mention “peut mieux faire” paraît appropriée !

En Bourgogne, la production d’énergies renouvelables ne représente que 8 % de la consommation régionale d’énergie. Et François Patriat, président du conseil régional, à l’occasion d’un débat qui s’est déroulé en mars de déclarer “Il est nécessaire et urgent de changer notre manière de produire, de transformer et de consommer l’énergie. La transition énergétique est une trajectoire vers plus de modération…” Et de rappeler l’alpha et l’oméga de toute politique locale de production d’énergie et d’économie “De nombreux emplois délocalisables sont à la clé, notamment dans les secteurs du bâtiment et de l’éolien”.

Un exemple à suivre en Côte d’Or où dans la communauté de communes du Pays de St-Seine, sept villages ont installé il y a quatre ans des chaufferies au bois. Un projet 100 % local, puisque le bois vient des communes et qu’il sert à chauffer les édifices publics (écoles, maison de retraite, salle de sport, mairie, etc…).

La région Aquitaine, avec le Schéma Régional Climat Air Energie, s’est donné l’objectif d’atteindre de 26 à 35 % d’énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie à l’horizon 2020. Elle veut également améliorer l’efficacité énergétique de 28 à 41 % (meilleurs rendements des chauffages, des véhicules, etc.). Et la base des recettes est la même du nord au sud, comme multiplier les rénovations thermiques des bâtiments, utiliser les potentialités de la région, comme le rayonnement solaire pour l’eau chaude.

En Alsace, pour le forum d’Europe Ecologie-Les Verts, la priorité est de fermer la centrale de Fessenheim et conduire la transition pour consommer toujours moins d’énergie, et produire autrement.

Cette transformation est urgente : « N’attendons pas 50 ans », prévient Gilles Lara, directeur d’Alter Alsace Énergie, association qui depuis 30 ans fait la promotion des énergies renouvelables et de la maîtrise de l’énergie. Elle exige du temps : « Il faut quatre à huit ans pour changer les comportements. » Sobriété et efficacité énergétiques visent tous les domaines du quotidien : électroménager, alimentation, chauffage, construction et rénovation des bâtiments, déplacements… Alter Alsace Énergie prépare un scénario NégaWatt pour notre région : l’objectif, diviser par 16 d’ici 2025 les émissions de gaz à effet de serre (le schéma régional vise une division par 4) et aller vers l’autonomie énergétique 100 % renouvelable. « La Région Alsace projette de tester ce scénario cette année. »

La région PACA rappelle qu’elle est la première de France pour le développement de l’énergie solaire, avec 21 000 m2 installés soit 3 MWc en 2011-2012, et 174 projets photovoltaïques en cours. Et forte de recenser toutes les initiatives et projets innovants à travers un site dédié.

Notamment Premio, le réseau intelligent de Lambesc, qui a été la première expérience française de gestion électrique intelligente.

Son objectif est de gérer plus efficacement les besoins locaux en électricité et de sécuriser l’alimentation électrique de la région. Concrètement, en période de pointe, la centrale dispose d’un système d’action intelligent qui repose sur trois leviers :

  • produire plus d’électricité grâce aux énergies renouvelables ;
  • déstocker l’électricité produite en période de basse consommation ;
  • gérer les appareils électriques d’une cinquantaine d’habitations volontaires et de sites publics pilotés par la centrale.

La région Nord-Pas de Calais s’y colle également avec beaucoup de sens de l’organisation, où force “Schéma de gouvernance” et “Schéma prévisionnel d’organisation” permettent de bien baliser l’action de chacun.

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Notes :

(1) Raphaël Claustre, CLER, “Pour une organisation efficace de la transition énergétique”, Revue de l’ENA hors les murs, 11/2012.

(2) Comité de Liaison des Energies Renouvelables (CLER), Cahier d’Acteurs

Transition-Energie.com

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