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[extraits] «J’aime les mélanges, parce que je suis mélangé». Ainsi se présente Abou Lagraâ, danseur et chorégraphe. Dans sa nouvelle pièce “El Djoudour” [‘Les racines’] qu’il a présenté à Valenciennes, il parle de ses racines et du corps dans la culture musulmane.

– NR : «Vous êtes né en Ardèche, de parents Algériens »
– Abou Lagraâ : Oui. Je trouve que c’est une richesse. La double identité est pour moi une vraie richesse, ce qui me permet, depuis quelques années, de proposer un travail qui est dans le métissage, le mélange des cultures, qu’elles soient du Maghreb, de l’Europe ou même du reste du monde. J’aime les mélanges, parce que je suis mélangé.  (…) Je suis un Européen. Je suis un citoyen du monde, plus exactement. Ma danse s’appelle la danse contemporaine, mais on pourrait l’appeler aussi la danse du monde.

Être à Marseille (lors de la première mondiale), cela a une grosse signification. Marseille est face à l’Algérie, la mer les sépare. Et quand j’ai créé ce «pont culturel méditerranéen» avec mon épouse Nawal Lagraâ, il y avait vraiment du sens. Marseille est pour moi comme la finalité de ce «pont culturel méditerranéen».

« Mes racines, c’est cette double culture et j’avais surtout envie de parler de ma perception du corps dans la culture musulmane, et non pas dans la religion musulmane. Même si, moi, je suis musulman, j’avais envie de parler de cette culture qui est d’une grande ouverture vers les autres, ce qu’on ne connaît pas vraiment. »

On a une image de la religion musulmane assez étriquée, parce qu’il y a un pourcentage très faible d’extrémistes qui donnent une image qui n’est pas celle que je connais. Moi, j’ai été toujours éduqué dans la tolérance, dans l’ouverture (…)

J’ai eu envie de traiter de la frustration de l’homme et de la femme qui sont séparés dans l’espace. C’est une réalité dans notre culture où l’homme et la femme sont séparés.

La pièce parle beaucoup de cette frustration, de cette tension, mais pour aller vers un mélange dans le même espace des deux sexes, de l’homme et de la femme. Et puis aussi, dans la culture musulmane, la terre, la matière, est très importante, parce qu’on y vit (…).

Et puis, il y a l’eau. L’eau, chez nous, c’est l’ablution, le hammam. L’eau est très importante, parce qu’elle fait partie de nos rituels.

Vous travaillez la danse contemporaine, le hip hop. Certains parlent de mixité, d’autres d’un métissage.
Pour moi, ce n’est même pas un métissage, c’est quelque chose qui est naturel chez moi. J’ai toujours fusionné les danses. Depuis seize ans, depuis que je suis chorégraphe. (…) En tant qu’artiste, je suis capable — et je l’ai prouvé grâce à ce pont culturel méditerranéen — d’ouvrir entre les deux rives. Je suis capable d’ouvrir la communication et de permettre à des jeunes Algériens, qui étaient dans la rue il y a trois ans, qui n’avaient pas de métier, de se retrouver propulsés sur les scènes du monde entier, de découvrir d’autres cultures, de rencontrer des gens. (…)

L’autre succès, cela serait de s’ouvrir au Maroc et à la Tunisie, parce que je ne suis pas raciste [rires].

La Nouvelle République

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