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Un ancien détenu et un prisonnier, joint sur son téléphone dans sa cellule, racontent le quotidien du Gasquinoy. L’état des lieux inquiétant d’un univers où l’argent est roi.
“Attends, rappelle plus tard, c’est pas l’heure”, lance le détenu avant de raccrocher.
Une heure après, notre témoin, emprisonné dans le cadre d’une affaire de stupéfiants, est plus réceptif. Il raconte sa journée en détention, via son téléphone portable. Depuis sa cellule de la prison du Gasquinoy, à Béziers, il commente même les informations reçues par internet, puisque son mobile est bien équipé. “Dans les étages, le brouillage ne fonctionne pas. C’est comme ça que nous sommes en lien avec l’extérieur en permanence. Mais à certaines heures de la journée seulement, car il faut faire attention aux horaires de rondes des matons.”
Drogue, argent, bouteilles d’alcool
Il est prolixe sur son ennui, mais donne assez peu de détails personnels. La peur de se faire reconnaître, sans doute. Bien entendu, nous ne sommes pas derrière la porte de notre témoin pour vérifier qu’il est bien en cellule comme il nous l’assure. Mais rien ne laisse supposer qu’il ment.
Son contact nous a été confié par un ancien détenu de la prison de Béziers, un de ses amis. Ce dernier dresse un état des lieux inquiétant de tous les petits trafics qui ont cours en prison. “On peut faire rentrer quasiment n’importe quoi. Des téléphones, mais aussi de la drogue, de l’argent ou encore des bouteilles d’alcool”, assure-t-il.
Des téléphones dans le vagin des femmes
“Les téléphones, ce sont les femmes qui les amènent au parloir dans leur vagin. Puis, les hommes les coffrent (dans leur anus, les gardiens confirment, NDLR). L’argent, c’est pareil et c’est bien plus simple. Comme la drogue, on cache ça dans les parties génitales. Et on rentre ça sans se faire choper.”
En prison, tout se monnaye, semble-t-il. Si on a de l’argent, tout roule. Sinon, on paye en cigarettes que l’on cantine “dans la plus grande légalité”. “Un joint, c’est un paquet de clopes, ou 6 €. Si tu veux de l’alcool, la bouteille se négocie à 150 € pour les alcools forts. 40 à 50 € pour le vin. On peut avoir de tout.”
Balles de tennis
Difficile d’imaginer que ces produits-là franchissent les portes de l’établissement sans un minimum de complicité. Notre témoin l’assure : “Tout s’achète, même les gens qui sortent souvent.”
“Les petits téléphones à 80 € passent aussi par-dessus les clôtures, cachés dans des balles de tennis”, confirme un gardien. Une technique que détaille notre témoin. “Depuis l’extérieur, et avec une raquette, le projectile atterrit dans la cour de promenade où il est ramassé par un détenu. Ensuite, il arrive le soir à son destinataire via le yo-yo d’une cellule à l’autre et par l’extérieur. Pour les plus sophistiqués, on passe par des complices et on peut payer jusqu’à 700 € l’appareil.” C’est son cas, promet-il.
LES TELEPHONES, UNE ARME CONTRE LES GARDIENS
“Ces téléphones sont devenus des armes contre nous”, gronde Fabrice Caujolle, du syndicat Ufap-Unsa Justice, qui ne peut que confirmer les informations révélées par Midi Libre. “Si de véritables sanctions ne sont pas mises en place contre les détenus en possession de portables, nous n’agirons plus dans les cellules car, à chaque fois, il en découle des incidents graves”.
“Nous sommes menacés par les voyous. Il est donc hors de question de prendre des risques si, derrière nos interventions, il n’y a pas de vraies sanctions disciplinaires. Nous exigeons des moyens efficaces pour lutter contre ce fléau”, assène-t-il.
Des vidéos diffusées sur YouTube
Et le syndicaliste de raconter la mésaventure de quatre gardiens de la prison de Roanne. Là, un détenu a refusé de réintégrer sa cellule.

Du coup, quatre gardiens sont intervenus pour le faire rentrer. Pendant ce temps, un autre détenu a filmé la scène avec son téléphone. Tout cela a été diffusé sur le net, via YouTube. Mais, pire encore, des complices du détenu ont placardé en ville les portraits des gardiens, avec leurs noms. “Cela met en danger ces hommes, mais aussi leurs familles.”

Pour ce qui est de l’alcool, le phénomène est bien présent, les gardiens le confirment. En revanche, Fabrice Caujolle l’assure : “Je ne suis jamais tombé sur des bouteilles d’alcool fort. Des produits frelatés oui, rien de plus. Mais avec la drogue, cela donne des mélanges explosifs.”
Midi Libre

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