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Près de 120 personnes, des familles venues de Roumanie pour l’essentiel, de Bosnie pour quelques uns vivent depuis des mois sous des tentes, voire de simples draps tendus, installées sur le trottoir devant l’unité d’hébergement d’urgence (UHU) de Marseille, à la Madrague Ville. Hier le Tribunal de grande Instance devait se prononcer sur la demande de la Ville qui requiert leur expulsion.
Un jugement pour expulsion de squat, même quand il s’agit d’un morceau de trottoir, ce n’est malheureusement pas une première à Marseille dont la municipalité a systématiquement opté pour cette non solution…depuis 10 ans. Mais Maître Cohen, défenseur de la trentaine de personnes assignées, veut faire en sorte que ce soit la dernière.

«Depuis le temps qu’on joue ici au jeu de la patate chaude on en voit le résultat: il y a toujours 2000 roms à Marseille qui vivent dans une situation dramatique, ce n’est pas tolérable, estime l’avocat, on va encore les expulser et on se retrouvera devant ce tribunal quelques mois plus tard pour la même demande car ils iront 100 mètres plus loin».

Quelle autre solution en effet? Une goutte d’eau. La Région a mis en place un centre spécifique à la Belle de mai, financé par la Fondation Abbé Pierre (FAP) et géré par l’Ampil (association méditerranéenne d’insertion par le logement) qui accueille depuis près d’un an une quarantaine de personnes. La Préfecture, pour parer à l’échec de la Guillermy a ouvert son contingent de logement à l’Ampil pour six familles, l’archevêché a également accueilli cet hiver en ses murs à Saint Pierre, les 75 personnes qui vivaient sous la neige au pied de l’église Saint Martin, avec là encore l’aide de la FAP et de l’Ampi…et l’UHU avait fini par ouvrir ses portes devant l’urgence de l’évacuation de la porte d’Aix. La même qui demande aujourd’hui leur expulsion.
L’avocate de la Ville ne change pas de cap pour autant: «Vous m’opposez le droit à l’hébergement, mais je revendique le droit à la propriété. Je suis la Ville de Marseille, pas l’État. C’est à la préfecture de prendre ses responsabilités et de trouver un hébergement. Ce n’est pas leur rendre service que de les laisser dans cette situation de danger». Demander leur mise à la rue serait donc un plus grand service. Dix années que la patate tourne sans refroidir. Maître Cohen veut en sortir: « Le droit fondamental à l’hébergement, pour les Roms, c’est une question que personne ne veut régler. Et il y a là une demande tout à fait singulière que d’exiger l’expulsion de gens qui sont déjà sur le trottoir». Et l’avocat de souligner, pour le symbole: «ils ne sont pas n’importe où mais devant un établissement d’hébergement d’urgence créé par la Ville pour abriter des gens dans la détresse. Certains y sont accueillis pas les autres…»
Or l’hébergement reste un droit fondamental. «Il y a une obligation qui pèse sur l’État. Et la République c’est tout le monde» rappelle Dany Cohen. Et à l’adresse du juge, il implore: «Pour que les choses bougent, il faut que le tribunal s’en mêle. Et pour cela il faut à la fois une reconnaissance du droit de la Ville et de celui de ces malheureux». L’affaire est mise en délibéré au 12 septembre. Sur les bancs, quelques assignés, des responsables associatifs de la LDH, Rencontres tsiganes, Action pour la Vie, un élu communiste et les prêtres marseillais auteurs d’une lettre au maire soufflent un peu.

La Marseillaise

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