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Ce dimanche, à 22 heures, ma mère, Eva Joly chute et se blesse. Ma sœur et moi accourons. Nous sommes avec elle lorsqu’elle est admise à l’hôpital Cochin, sous le choc.

A 23 heures, par courtoisie, son équipe de campagne prévient depuis l’hôpital Jean-Michel Aphatie que ma mère n’assistera pas à son émission sur RTL, le lendemain matin à 7h50.

Par professionnalisme et pour ne pas froisser le grand éditorialiste, l’équipe cherche, depuis la salle d’attente, une alternative.

A 23h30, une solution de remplacement est trouvée pour Jean-Michel Aphatie : Jean-Vincent Placé, sénateur EELV de l’Essonne, viendra au débotté. Le journaliste fait la moue, mais accepte.

L’enregistrement aux urgences, les premiers examens cliniques, prennent de longues heures. Nous attendons, avec les plus proches de l’équipe de campagne, dans l’angoisse et l’incertitude.

Quand, à 00h04, Jean-Michel Aphatie publie sur son compte Twitter :

« Info RTL : Eva Joly hospitalisée, sa campagne est momentanément arrêtée. »

Personne ne sait rien, à ce moment, de l’état de santé d’Eva Joly et des éventuelles conséquences sur sa campagne. Les examens médicaux se poursuivent.

Soixante minutes, c’est le temps que Jean-Michel Aphatie aura tenu, seul possesseur d’une information inexploitable parce qu’incomplète.

En moins de soixante signes, Jean-Michel Aphatie improvise sur une info manquante, il l’invente, et la sentence tombe : la campagne est « momentanément arrêtée ».

Quelques minutes plus tard, la rédaction de RTL reprend l’info sur Twitter, et l’étoffe à son tour [aujourd’hui, on n’en retrouve trace que sur les pages « cachées » de RTL.fr, ndlr] :

« Sa campagne a été suspendue. Tous ses meetings de la semaine à venir ont été annulés. »

Incroyable : des journalistes d’une même rédaction qui s’auto-intoxiquent, et dopent leur scoop aux bobards. (…)

Editorialiste multi-cartes (il est aussi sur Canal+), Aphatie est l’homme qui a érigé le professionnalisme en valeur cardinale du traitement de l’actualité.

Matin et soir, cinq jours sur sept, qu’il éreinte un politique ou un journaliste, Jean-Michel Aphatie ne parle jamais d’autre chose que de professionnalisme. A une époque où la peur de faillir est la chose la mieux partagée, la formule est efficace et draine quotidiennement des millions d’auditeurs.

Et c’est pourtant cet homme qui a publié dans la nuit de dimanche une information tronquée, sans la vérifier, sans la recouper, sans prendre la moindre précaution ni faire le moindre effort.

Adieu déontologie, bonjour Twitter. Un coup de fil au directeur de campagne et il pouvait tout savoir sur le scoop qui lui brûlait les doigts. (…)

Rue 89

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