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serment Strabsourg Lehugeur
Le serment de Strasbourg par Paul Lehugeur (XIXe siècle).

Le serment de Strasbourg, passé le 14 février 842, signe l’alliance militaire de Charles le Chauve (ayant reçu la Francia occidentalis) et Louis le Germanique (Francia orientalis) contre leur frère aîné, Lothaire Ier (Francia media) qui revendique le titre d’empereur d’Occident conformément à l’Ordinatio imperii de 817 de Louis le Pieux. Le conflit trouve son aboutissement avec le traité de Verdun (843). Du point de vue de l’Histoire des langues, le serment de Strasbourg constitue l’une des premières attestations écrites d’une langue romane et d’une langue tudesque.

Le serment de Strasbourg d’après Nithard, auteur de l’Histoire des fils de Louis le Pieux, contemporain actif des événements.

« Le 15 février, Louis et Charles se réunirent dans la ville autrefois appelée Argentaria, et maintenant Strasbourg, et là ils se prêtèrent réciproquement les serments que nous allons rapporter, Louis en langue romane et Charles en langue tudesque. Avant les serments, ils parlèrent au peuple chacun dans l’une de ces deux langues ; et Louis, comme l’aîné, commença ainsi : « Vous savez combien de fois depuis la mort de notre père, Lothaire s’est efforcé de poursuivre et de perdre moi et mon frère que voici. Puisque ni la fraternité, ni la chrétienté, ni aucun moyen n’ont pu faire que la justice fût maintenue, et que la paix subsistât entre nous, contraints enfin, nous avons remis l’affaire au jugement du Dieu tout-puissant, afin que sa volonté accordât à chacun ce qui lui était dû. Dans ce débat, comme vous le savez, et par la miséricorde de Dieu, nous sommes demeurés vainqueurs. Lothaire vaincu s’est réfugié où il a pu avec les siens. Émus pour lui d’une amitié fraternelle, et touchés de compassion pour le peuple chrétien, nous n’avons pas voulu le poursuivre et le détruire lui et son armée ; nous lui avons demandé, alors comme auparavant, que chacun jouît en paix de ce qui lui revenait. Mais, mécontent du jugement de Dieu, il ne cesse de poursuivre à main armée mon frère et moi ; il désole de plus nos sujets par des incendies, des pillages et des meurtres. C’est pourquoi, forcés par la nécessité, nous nous réunissions aujourd’hui ; et comme nous croyons que vous doutez de la sûreté de notre foi et de la solidité de notre union fraternelle, nous avons résolu de nous prêter mutuellement un serment en votre présence. Ce n’est point une avidité coupable qui nous fait agir ainsi ; nous voulons être assurés de nos communs avantages, et que, par votre aide Dieu nous donne enfin le repos. Si jamais, ce qu’à Dieu ne plaise, je violais le serment que j’aurai prêté à mon frère, je vous délie tous de toute soumission envers moi, et de la foi que vous m’avez jurée. » Charles ayant prononcé ces mêmes paroles en langue romane, Louis, comme l’aîné, jura le premier de les observer :
« Pro Deo amur, et pro christian poblo, et nostro commun salvament, dist di in avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in adjudha, et in cadhuna cosa, si cum om perdreit son fiadra salvar dist, in o quid il mi altre si fazet. Et ab Ludher nul plaid numquàm prendrai, qui meon vol cist meon fradre Karle in damno sit (1). » Lorsque Louis eut fait ce serment, Charles jura la même chose en langue allemande « In Godes minna ind um tes christianes folches ind unser bedher gealtnissi fon thesemo dage frammordes so fram so mir Got gewizei indi madh furgibit so hald ih tesan minan bruodher soso man mit rehtu sinan bruder seal, inthiu thaz ermig soso ma duo ; indi mit Lutheren inno kheinnin thing ne geganga zhe minan willon imo ce scadhen werden. » […] »

(1) Traduction littérale :
« Pour (de) Dieu l’amour et pour (du) chrétien peuple et notre commun salut, de ce jour eu avant, en tant que Dieu savoir et pouvoir me donne, ainsi sauverai-je celui mon frère Charles et en aide, et en chaque chose, si comme homme par droit son frère sauver doit, en ce que il a moi autant en fasse. Et de Lothaire nul plaid jamais prendrai qui à ma volonté à celui mon frère Charles en dommage soit. »

serment Strabsourg st-Riquier
L’Histoire des fils de Louis le Pieux de Nithard, manuscrit de Saint-Riquier ou Soissons, fin du IXe siècle.

François Guizot, Collection des Mémoires relatifs à l’Histoire de France, Paris, Brière, 1824, pp. 477-480.

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