Fdesouche

La Grèce peut souffler: 100 milliards de créances vont être effacés par les banques. Le pays ne fera pas faillite mais il est très loin d’être tiré d’affaire. Contrairement à ce que prétendent les dirigeants européens, sa dette n’est toujours pas supportable, d’autant que rien n’a été prévu pour relancer une croissance brisée par les plans d’austérité. Par contre, Athènes va être placée sous tutelle permanente.

La Grèce est à l’aube d’une “ère nouvelle “, rien que ça. A l’issue d’une nuit de négociations marathon, Georges Papandreou pouvait savourer, au petit matin, un moment de répit. Athènes ne fera pas faillite. Pas dans les prochains mois.

Les créanciers privés ont accepté in extremis – même si les détails sont encore flous – de renoncer à la moitié de leurs créances d’ici 2020. L’effort représente un effacement d’une centaine de milliards d’euros sur les 210 milliards que détiennent les établissements financiers. Cette manœuvre ramènera la dette de la Grèce à 120% du PIB d’ici une dizaine d’année, contre plus de 160% actuellement.

Cette dette est “désormais absolument supportable “, assure le premier ministre grec. Ce niveau est en effet jugé “soutenable ” par les dirigeants européens. “S’il n’y avait pas eu cet accord, la dette en 2020 aurait atteint 173% du produit intérieur brut (PIB), donc il s’agit d’un allégement impressionnant “, a répété Evangélos Vénizélos, le ministre des Finances grec. Et Nicolas Sarkozy de marteler le “caractère historique” des décisions prises, qui devraient permettre à la Grèce de retrouver “le chemin d’une croissance normale “.

Insolvabilité structurelle “

Difficile de faire la part du soulagement – alors que les banques freinaient encore des quatre fers il y a quelques heures -, de l’optimiste béat et de la politique de l’autruche. Au fond du trou, la Grèce ne peut que se réjouir de cet accord [voir tous les détails ici] ; reste à remonter la pente: avec quel moyens? Quel plan? Quels efforts supplémentaires quand la croissance est durablement cassée? Athènes est bien à l’aube d’une nouvelle ère, pas forcément plus réjouissante: tout reste à faire.

Quatre faits en particulier permettent déjà de doucher le bel enthousiasme des dirigeants européens:

           1 – Le FMI était favorable à une décote de l’ordre de 75%, expliquant que seul un effacement substantiel  pouvait autoriser un niveau de dette soutenable. Notons d’ailleurs la réaction pour le moins prudente de Christine Lagarde : “Dès à présent, j’ai l’intention de recommander au conseil d’administration du FMI le versement de la prochaine tranche de prêt” à la Grèce, a-t-elle déclaré dans un communiqué, tout en soulignant que l’application “des réformes économiques acceptées” par Athènes reste “prépondérante “.

           2  – Comment croire qu’un fardeau à hauteur de 120% du PIB est un gage d’avenir? C’est encore le double de la limite fixée par le traité de Maastricht et le même taux que l’Italie, considérée comme l’autre point chaud de la zone euro. Certes, Rome est lourdement pénalisé par l’incurie de ses dirigeants politiques, Silvio Berlusconi en tête. Reste que, même peu compétitive, l’économie italienne possède un potentiel industriel, une capacité d’exportation et un marché intérieur sans commune mesure avec celle de la Grèce.

Rome a des cartes en main pour s’en sortir, pas Athènes. “A part de l’agroalimentaire, du ‘shipping’ et du tourisme, que produit la Grèce ?” s’interroge Christian Chardin, économiste chez Finance Sélection qui n’hésite pas à parler, pour ce pays “d’insolvabilité structurelle “.

           3 – La Grèce est en récession depuis 2008. Loin de permettre un retour rapide à l’équilibre, la cure de rigueur sape toute perspective de croissance… et donc de réduction des déficits. De l’aveu même du FMI, la récession s’accroît en Grèce pour atteindre -5,5 % en 2011 et – 2,5 % en 2012. “La récession sera plus profonde qu’anticipé en juin et une reprise n’est désormais attendue qu’à partir de 2013 “, reconnaissent le FMI, la Commission et la Banque centrale européenne, dans un communiqué publié mardi 11 octobre. D’après Gilles Moëc, économiste à la Deutsche Bank, cité par le Monde, la croissance du PIB grec devra avoisiner 3,5% par an pour espérer enrayer la spirale du surendettement. On est aujourd’hui loin du compte.

           4 – L’effacement de 50% de la dette concerne au premier chef les banques… grecques – qui ne peuvent déjà plus se financer qu’auprès de la Banque centrale européenne (BCE). L’autorité européenne des banques (EBA) a évalué les besoins de recapitalisation des banques à 106 milliards d’euros, dont 30 rien que les banques hellènes. Une paille. Morgan Stanley avance le montant de 80 milliards d’euros. Où vont-elles les trouver? “Il est très probable qu’une partie importante des actions des banques passera sous le contrôle de l’Etat “, a reconnu Georges Papandréou, tout en se montrant rassurant: “Après une restructuration, nous les remettrons sur le marché, comme d’autres pays l’ont fait. C’est une procédure normale et il n’y a aucune raison d’en avoir peur. “

C’est encore loin le bout du tunnel ?

Rien ne sert de jouer les oiseaux de mauvaise augure: la position de la Grèce est incomparablement meilleure aujourd’hui qu’hier. D’après les dirigeants de la zone euro et l’Institut de la finance internationale (IFF), le lobby des banques, Athènes devrait pouvoir retourner se financer sur les marchés à l’horizon 2021. Elle n’aura alors plus besoin de quémander l’aide parcimonieuse de l’UE ou du FMI.

Mais, 2021 c’est encore loin. Les chefs d’Etats en sont conscients, qui ont prévu un nouveau plan de soutien de 130 milliards : 100 milliards de prêts pour la Grèce (d’ici 2014) et 30 milliards à destination des banques pour compenser leur manque à gagner. Ce “bonus” a surtout pour objectif de s’assurer que les établissements financiers renouvellent les 100 milliards d’euros de dette grecque qu’elles détiendront encore.

Que l’argent vienne de créanciers privés ou du FESF européen, ce sont autant de nouvelles dettes que la Grèce va contracter. Avec quel espoir de les rembourser? Pour l’heure, aucun plan d’investissements d’envergure, aucun chantier de grands travaux, susceptibles de stimuler la croissance, n’ont été lancé.

Toujours plus loin, plus haut, plus vite

Ces dernières semaines, les partenaires de la Grèce n’ont cessé de l’exhorter à aller plus loin plus vite dans les réformes. Mais comment espérer que les services des impôts fassent mieux leur travail quand les salaires ont été amputés de 30% ? A quoi bon mettre en place une nouvelle taxe foncière quand le cadastre est pour le moins lacunaire ? Privatiser quand de nombreuses professions et syndicats sont déjà dans la rue ?

La rigueur salariale pourrait bien booster la compétitivité de l’économie… sans que ce soit très fructueux pour un pays qui exporte très peu. La consommation intérieure, elle, est à coup sûr amputée.

Mise sous “surveillance permanente “

La Chancelière allemande est bien consciente des difficultés encore à venir. La Grèce est “encore au début d’une longue route” a-t-elle rappelé. Avant d’ajouter que la restructuration de la dette ne suffit pas à résoudre seule le problème. Des réformes structurelles douloureuses doivent être prises, sinon même après restructuration de la dette, nous sommes de retour là où nous sommes aujourd’hui.

Rainer Bruederle, le chef du groupe libéral (FDP), un petit allié au sein de la coalition au pouvoir a même comparé la Grèce aux pays d’Europe de l’Est au moment de leur transition. C’était il y a 20 ans. Fermez le ban !

Pour prix de leur aide, l’Europe et le FMI ont déjà mis la Grèce sous tutelle. Cette surveillance va encore être renforcée. Fini les visites impromptues et les départs surprises de la troïka (BCE, FMI et Commission européenne) chargée de se rendre sur le terrain une fois tous les trois mois pour surveiller l’application des mesures promises par Papandreou. Désormais, la présence sera “permanente”.

Officiellement, c’est écrit noir sur blanc dans les conclusions du sommet, le gouvernement grec est demandeur d’une assistance technique au quotidien. Il n’a en réalité pas le choix. Les plus optimistes verront dans cette perte de souveraineté un pas en avant vers plus de fédéralisme ; les esprits chagrins une forme de protectorat.

Mais, que la population grecque se rassure, Angela Merkel pense à eux et salue leur courage: « Les gens en Grèce ont du accepter beaucoup de sacrifices. Ils méritent notre respect et aussi une perspective de croissance durable dans la zone euro. »

La Chancelière a également promis des investissements allemands. Ce sera sans doute pour un prochain sommet extraordinaire.

myeurop.info

Fdesouche sur les réseaux sociaux