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LA FALSIFICATION DES TEXTES BIBLIQUES SELON L’ISLAM

– Je salue l’entrée de Rémi Brague. Merci Rémi Brague d’être avec nous. Vous êtes philosophe, professeur de philosophie, c’est la formule que vous préférez, vous enseignez à l’université Paris I Panthéon Sorbonne, ainsi qu’à l’université de Munich, vous êtes un spécialiste des philosophies médiévales, aussi bien chrétiennes que juives que musulmanes.

Est-ce que, un dialogue entre l’islam et le christianisme est possible ? Et sur quelles bases ?

– Alors, le dialogue pourra s’engager à partir du moment où l’on aura vidé l’abcès qui est la question de la corruption des livres sacrés précédant le Coran, puisque c’est un dogme à peu près universellement admis dans l’Islam, que le texte des livres sacrés que nous possédons maintenant, à savoir l’Ancien et le Nouveau Testament, ces textes-là sont des textes FAUX, parce qu’ils ont été falsifiés par leur détenteur au cours de l’Histoire. Moïse a reçu un livre qui est la Torah, Jésus a reçu UN livre qui est L’Evangile, chose amusante au singulier, ce n’est pas les quatre évangélistes, c’est l’Evangile. Et Abraham lui-même aurait reçu des feuilles, dont la Bible ne dit rien, enfin bon, puisque un prophète est quelqu’un qui reçoit un livre, il fallait que Abraham en ait reçu un.

Et ce que nous appelons maintenant le Nouveau Testament, ce que les Juifs appellent la Torah, sont en fait, d’après l’Islam, des textes qui ont été trafiqués, qui ne représentent plus l’authenticité de ce qui a été confié au prophète du Judaïsme, à savoir Moïse, et au prophète du christianisme qu’était Jésus.

Le texte des livres sacrés du Judaïsme et du Christianisme ayant été trafiqué, ils ne sauraient plus servir de base communément admise à la discussion. Alors j’attends avec grande impatience que le dialogue s’engage sur ce point-Là.

J’insiste un petit peu sur cette idée parce que bien des Chrétiens s’imaginent que le Coran serait une sorte de « troisième testament », qu’il y aurait une sorte de fusée biblique à trois étages, un Ancien Testament, et puis un Nouveau Testament, et puis par-dessus le Coran, avec cette difficulté que justement le troisième étage à savoir le Coran nie la validité des deux premiers étages. Alors bien entendu, le Coran parle de LA Torah, il parle de L’Evangile, mais ce sont des textes purement virtuels, ce sont des textes que vous ne pouvez pas trouver dans une quelconque bibliothèque, ce sont des textes qui n’existent que parce que le Coran les mentionne. Et la preuve qu’ils n’existent pas c’est justement qu’ils ont été trafiqués.

Alors si dialogue il doit y avoir je voudrais qu’il attaque par exemple ce point-là et qu’il ne se contente pas de dire des choses gentilles. Bon, ce que on peut dire à tout homme, enfin je peux dire des choses gentilles à un bouddhiste, mais le schmilblick avance-t-il beaucoup ? Alors dialogue oui, mais si le dialogue veut dire motion chèvre chou, baiser, l’amourette et autre embrassons-nous folleville, j’aime mieux passer à autre chose plutôt que me documenter là-dessus.

 

L’interprétation des textes : un concept radicalement différent chez les chrétiens et chez les musulmans. Un exemple particulièrement éclairant : le voile.

Merci Rémi Brague d’être avec nous. Vous êtes philosophe, professeur de philosophie, c’est la formule que vous préférez, vous enseignez à l’université Paris I Panthéon Sorbonne, ainsi qu’à l’université de Munich, vous êtes un spécialiste des philosophies médiévales, aussi bien chrétiennes que juives que musulmanes.

– Là je crois que nous sommes vraiment au cœur du problème qui est celui de la nature de l’interprétation. Je m’accroche à ce mot parce que c’est un mot qui est employé un peut à tort et à travers, et en particulier par des Musulmans, très bien intentionnés et souvent d’une culture tout à fait respectable et qui disent que bien des choses s’amélioreront dans l’Islam lorsque l’on aura donné au Coran une interprétation nouvelle

La difficulté c’est qu il y a finalement deux modèles de l’interprétation. Il y a un modèle qui suppose l’incarnation et il y a un modèle qui suppose quelque chose de tout à fait différent, qui est non pas le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu devenant Homme, mais la Parole de Dieu devenant Livre, ce que certains islamologues appellent d’un mot qui n’est pas très joli mais fait sur le modèle de l’Incarnation : « L’in-li-bra-tion », hein, l’Inlibration.

Conséquence : le Coran n’a pas pour auteur telle ou telle créature humaine, par exemple Monsieur Mahomet, qui a vécu à un moment donné, dans des circonstances sociales données, qui avait une culture donnée, etc…etc…Le Coran pour un musulman qui prend sa religion au sérieux est la Parole même de Dieu, dictée par Dieu et cela a des conséquences de la plus grande importance à propos de l’idée d’interprétation.

Les Ecrits du Nouveau Testament ont pour auteurs Monsieur Saint-Paul. Monsieur Saint-Luc, Monsieur Saint-Jean, enfin des hommes…Et même « Monsieur Jésus » d’une certaine façon, à savoir ce sont des hommes. Je rappelle que le dogme catholique le plus strict dit que Jésus-Christ est vrai homme et vrai Dieu, donc il est intégralement homme, donc intégralement marqué par la vision du monde de son époque, par les représentations de la culture dans laquelle il baignait.
Par conséquent , tout ce que disent les auteurs, les auteurs humains du Nouveau Testament peut être l’objet d’une interprétation en un sens tout à fait particulier. A savoir on va se demander, quelle était leur intention, qu’est-ce qu’ils voulaient dire au-delà même des paroles qu’il ont prononcées ?

L’exemple que je prends toujours dans ce cas-là, c’est l’exemple du voile. Comme chacun sait, Saint-Paul recommande aux femmes de se couvrir la tête, d’un voile par exemple, lorsqu’elles viennent à la prière. Les gens bien intentionnés disent « ben voyez finalement, on fait tant de bruit autour du voile islamique et bon, ça se trouve dans le Nouveau Testament, alors pourquoi ne pas dire, ben voilà nous avons en commun, ce genre de chose ». L’objet même, enfin le contenu même du commandement peut être le même, mais son origine n’est pas du tout la même. Si c’est un homme qui dit « ne vous habillez pas n’importe comment, ayez une tenue correcte » on pourra interpréter la signification de cette tenue correcte suivant les lieux et les temps. Si en revanche l’auteur de cette injonction c’est Dieu lui-même, Dieu qui est au-delà du temps et de l’espace, Dieu qui connaît TOUT, eh bien « il doit savoir ce qu’il dit » et donc si Dieu dit « couvrez-vous d’un voile » eh ben ça veut dire « couvrez-vous d’un voile » et rien d’autre. Et ce que l’on appellera alors interprétation n’aura plus du tout le même sens que dans le christianisme où il s’agit de remonter de la lettre de celui qui parle à son intention, mais ça sera une interprétation qui se limitera au MOT. Et on se demandera « est-ce ça sera un voile long ou court, est-ce que ça sera un voile transparent ou opaque, quelle partie du corps devra-t-il couvrir, etc… ». On n’aura jamais à interpréter que les mots et on n’aura à aucun moment remis en question le caractère obligatoire voire contraignant d’une injonction qui vient de Dieu directement.

Donc attention quand on parle d’interprétation. De quoi parle-t-on ? Ça ne veut pas dire la même chose dans une religion d’incarnation et dans une religion « d’inlibration »

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