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Huit heures, à Saint-Menet, entre A51 et voie ferrée, l’aire d’accueil des gens du voyage s’éveille doucement (…)  Ce matin, comme toujours, les 24 emplacements sont pleins. L’aire est un village d’une centaine de personnes, dont un grand nombre d’enfants. Depuis 1977, les plus jeunes sont scolarisés sur le site, dans un long rectangle de préfabriqués.

Une dizaine d’enfants, de 3 à 6 ans, y sont inscrits cette semaine ; un chiffre qui variera au gré des départs et des arrivées des familles, dont le stationnement, ici, est limité à deux mois d’affilée. “Il y a tout le temps des nouveaux” sourit Cécile Billiotte, la seule enseignante de cette école étonnante. “Un poste atypique, on ne se bouscule pas pour y être nommé”, dit son inspecteur de circonscription. Mais un véritable choix pour cette Lorraine de 35 ans : “Je voulais continuer à travailler en classe unique, explique-t-elle. Avoir une approche individualisée de mes élèves.” A la petite école de Saint-Menet, où elle vient d’effectuer sa seconde rentrée, la “pierre angulaire” de son activité est le travail sur le langage : “La langue maternelle des Tziganes reste le romani, explique-t-elle. Je vois arriver des enfants qui, à 3 ans passés, ne parlent pas un mot de français.” (…)

Dans cette école, elle aussi apprend tous les jours : elle a “beaucoup lu”, mais surtout ouvert ses yeux, ses oreilles, son esprit. Elle sait désormais que ces enfants portent deux noms, celui de l’état-civil, dont personne ne se sert, et le “nom affectueux”, par lequel elle les appelle elle aussi ; elle ne “fait plus la gaffe” de dire “la maison” : “C’est un concept qui n’existe pas pour eux.” Ses erreurs de débutante la font rire : “Tenter d’adapter Les Trois petits cochons avec des caravanes en paille ou en bois, ça ne marche pas“, pouffe-t-elle. Pas plus que d’inventer une chorégraphie sur une musique tzigane : “Devant leurs parents, les enfants n’ont jamais voulu danser ce truc de gadjo !” De ces gens qui “vivent à côté de nous et que nous ne rencontrons pas”, l’enseignante a compris qu’elle n’avait, avant, “que des images d’Epinal”. Alors dans sa petite école des voyageurs, elle compte bien rester : “Je veux cueillir les fruits de ce que j’y sème”, sourit-elle.

La Provence

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