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Réduire de 10 points son déficit en deux ans, soit économiser 25 milliards d’euros : les exigences de l’UE et du FMI pour prêter de l’argent à la Grèce sont socialement et économiquement explosives. Explications.

Violences entre policiers et manifestants, lors de la journée de grève générale organisée le 5 mars 2010 à Athènes.

Il y a la carotte : 45 voire, 120 milliards d’euros de prêts, à un taux plus avantageux que les marchés (5%). Et il y a le bâton : 25 milliards d’euros d’économies sur deux ans. Tel est le deal que le gouvernement socialiste grec s’apprête à passer avec l’Union européenne et le FMI pour sortir le pays de la tourmente financière. Un accord à haut risque social.

Les nouvelles mesures d’austérité viendront durcir un premier plan de réduction des déficits abyssaux de la Grèce, prévoyant déjà 4,8 milliards d’euros d’économies pour 2010. Selon des syndicalistes grecs, l’UE et le Fonds monétaire international demandent des économies allant jusqu’à 25 milliards d’euros sur deux ans. Cela permettrait de réduire le déficit public, estimé à environ 14% du produit intérieur brut (PIB) en 2009, de dix points d’ici fin 2011. Le ramenant ainsi à 4%.

Les mesures envisagées inclueraient une réduction de 30% du 13ème mois et de 60% du 14ème mois de salaire touchés par les employés du secteur public, une réduction de 7% des revenus et des primes des entreprises publiques et organismes financés par l’Etat. Mais l’une des mesures les plus spectaculaires, selon le Financial Times, consisterait à porter l’âge moyen du départ en retraite de 53 à 67 ans ! Un gel des retraites des salariés des secteurs public et privé, serait par ailleurs décidé. L’Etat va également réduire de 10% son financement aux caisses de retraite de l’entreprise publique d’électricité (DEI) et de l’opérateur grec des télécoms (OTE). Enfin, les programmes d’investissements publics vont être réduits de 500 millions d’euros, ceux prévus pour l’Education nationale de 200 millions.

Il y va de la “survie” de la Grèce

Côté recettes, de nombreuses taxes seraient relevées : la TVA va augmenter de deux points (de 19% à 21%), les taxes sur l’alcool bondiraient de +20% et celles sur le tabac de +63% à 65%. Idem pour les carburants (+8 centimes par litre d’essence et +3 centimes par litre de diesel). le gouvernement va également instaurer de nouvelles taxes sur des produits de luxe (voitures de luxe, yachts, hélicoptères privés, etc.). Enfin, la réforme fiscale, adoptée le 14 avril dernier par le Parlement grec, prévoit une plus forte imposition des hauts revenus, de la fortune foncière de l’Eglise de Grèce et un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

Pour justifier cette cure d’austérité sans précédent, Georges Papandréou a invoqué la “survie” de la Grèce : “Les mesures économiques que nous devons prendre sont nécessaires pour la protection de notre pays, pour notre survie, pour notre avenir, afin que nous puissions rester debout“, a déclaré vendredi 30 avril le Premier ministre grec.

En tout cas, l’annonce de ce plan a apaisé les marchés. Les Bourses européennes maintenaient toujours la tête hors de l’eau vendredi à la mi-journée, après s’être nettement redressées la veille et l’euro passait au dessus de 1,33 dollar. En revanche, les syndicats grecs sont très inquiets. Ils se disent prêts à batailler contre les coupes salariales exigées.

Nous devons faire face à un nivellement sans précédent depuis l’après-guerre, non seulement des salaires, mais aussi de tous les droits sociaux et du travail“, a protesté le président la fédération de la fonction publique (Adedy) Spyros Papaspyrou. “Le 1er mai sera une réponse, mais la réponse déterminante ce sera le 5 mai“, nouvelle journée de grève générale dans le pays. Traditionnellement, les cortèges du 1er mai ne mobilisent pas massivement en Grèce. Mais cette année, ils interviennent après deux grèves générales et une rafale de manifestations contre les mesures de rigueur.
Deux ans de récession et risques d’explosion sociale

Une telle austérité, imposée en période de crise, est totalement contre-productive et pourrait même avoir des effets opposés à ceux attendus”, expliquait récemment à L’Expansion.com Jean-Paul Fitoussi, professeur des Universités et membres du Conseil d’analyse économique. ” Cet excès de rigueur ne peut qu’avoir des conséquences sociales et politiques graves“, prévenait-il.

Lire notre article sur le sujet : Et si l’Europe coulait la Grèce ?

Ce qui est certain, c’est que cette coupe franche et massive des dépenses publiques va maintenir, pendant au moins deux ans, le pays en récession. Le PIB grec est attendu en recul de plus de 2% cette année et de -1,1% en 2011. Avec le risque de plonger la Grèce dans un autre cercle vicieux : celui d’une hausse du chômage, d’une faible consommation, donc d’une baisse des recettes fiscales pour l’Etat.

Un programme d’austérité si fort ne peut avoir qu’un impact négatif sur la consommation et l’investissement public“, met en garde Jens Bastian, de la Fondation hellénique pour les politiques européennes (Eliamep). D’après lui, de premiers signaux commencent à illustrer ce risque. Les recettes de la TVA ont dégringolé de 9,5% en janvier sur un an, conséquence d’une consommation en berne. Et le nombre de visiteurs étrangers a diminué de 6,4% en 2009. Or, la consommation des ménages et le tourisme font partie des moteurs traditionnels de la croissance grecque.

Les effets néfastes de la cure d’amaigrissement sont d’ailleurs, ironiquement, parmi les arguments invoqués par l’agence Standard and Poor’s pour dégrader la note de la dette du pays : une telle rigueur devrait “assombrir encore plus les perspectives de croissance de la Grèce à moyen terme“.

L’Expansion

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