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Malgré l’appel à ne pas polémiquer sur l’urbanisation des deux départements du littoral atlantique frappés de plein fouet par la tempête Xynthia, la Vendée et la Charente-Maritime, des représentants de l’Etat et des responsables politiques ont à nouveau mardi posé la question de la construction galopante d’habitations en zone inondable.

L'Aiguillon-sur-Mer, le 1er mars 2010

Si le président du conseil général de la Charente-Maritime et secrétaire d’Etat aux Transports Dominique Bussereau a dit mardi matin, lors d’une visite dans les communes charentaises sinistrées, préférer “attendre le rapport des inspecteurs généraux avant de se prononcer”, le préfet de Vendée Jean-Jacques Brot a affirmé que l’Etat “ne pourra pas s’exonérer de l’examen de l’application” de la loi littorale dans son département.

“L’Etat ne polémique pas et n’est pas là pour polémiquer, mais on ne pourra pas s’exonérer de l’examen de l’application des lois en zone inondable dans le passé, dans ce département comme dans d’autres départements d’ailleurs”, a-t-il reconnu sur France Info. “Peut-être faut-il faire évoluer la réglementation en matière de constructibilité en zone inondable et en zone littorale”.

Le représentant de l’Etat en Vendée a également posé la question des procédures à suivre en cas d’urgence. “Peut-être aussi faut-il faire évoluer les réflexions du ministère de l’Intérieur et d’autres ministères sur les plans en cas d’alerte rouge” de Météo France. Certains estiment que les départements concernés par l’alerte rouge auraient dû être évacués de tous leurs habitants en prévention.

Pour Léon Gendre, maire de la Flotte-en-Ré et vice-président du conseil général de Charente-Maritime, “il ne faut pas oublier qu’au départ, quand l’Etat était responsable des permis de construire, c’est lui qui a pris ces décisions” de construire en zone inondable. “Il y a une responsabilité commune de l’Etat et des élus pour tout l’habitat contemporain !”, a souligné le maire de cette commune de l’île de Ré depuis plus de trente ans.

“Depuis 1977, je n’ai pas attribué un permis de construire en zone inondable. Ma commune a été construite au XIème siècle dans un creux. Les 200 maisons touchées sur ma commune sont anciennes”, a-t-il expliqué à l’Associated Press. “Il y a des maires qui hurlent quand on leur refuse des permis dans une zone à risque. A chaque fois que se construit une maison, c’est du fric pour la commune. C’est l’argent qui mène tout ça”.

“Certains maires disent : ‘je ne pouvais pas refuser’. Et quand le préfet demande une réduction de zone à construire, tout le monde menace le préfet”, a-t-il déploré.

Plus offensive, la secrétaire nationale des Verts Cécile Duflot a accusé Nicolas Sarkozy d’avoir été l’un des promoteurs des constructions en zone inondable. “La mise en cause de la loi littoral, c’est le candidat Sarkozy lui-même qui avait commencé. Il avait dit en avril 2007 : ‘il faut assouplir la loi littoral pour que les communes puissent se développer normalement'”.

“Et puis voilà, quelques années après, on constate que, quand on construit en zone inondable, (…) il y a un risque”, a-t-elle déploré sur France Info. “On a laissé construire dans ces zones : il y a eu 100.000 logements construits en zone inondable entre 1999 et 2006, donc très récemment. Ce ne sont pas des vieilles constructions. Et on sait bien, les élus eux-mêmes l’ont dit, que les digues n’auraient pas pu résister”.

La secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno a pour sa part reconnu mardi que, depuis l’adoption d’une loi en 1995, il n’y avait pas assez de plans de prévention des risques “adoptés ou prescrits”, définissant les zones inconstructibles ou constructibles selon certaines conditions. Selon elle, il y en a “46 (plans) adoptés” et “c’est très insuffisant”, car “il y a 643 communes qui sont concernées”.

“Est-ce qu’on n’a pas intérêt tout simplement à stopper définitivement la construction de digues, puisque c’est toujours une incitation à l’urbanisation derrière, donc dans des zones à risques”, a aussi suggéré la secrétaire d’Etat sur France Info, en soulignant aussi que les digues, parfois très anciennes, “appartiennent à plusieurs propriétaires”, collectivités ou Etat, et que le “problème” de leur entretien se pose.

En octobre 2008, un rapport de la Direction de l’Equipement s’interrogeait sur la sécurité des deux communes vendéennes de L’Aiguillon-sur-Mer et La Faute-sur-Mer, pointant notamment du doigt des digues insuffisamment solides avec des risques de “dégâts majeurs aux biens et aux personnes” en cas de rupture. “La vulnérabilité du littoral vendéen aux submersions marines ne fait aucun doute”, peut-on lire dans ce rapport de la DDE de la Vendée présenté lors des Xèmes Journées nationales génie côtier-génie civil à Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes).

Le Nouvel Observateur
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La Faute-sur-Mer et L’Aiguillon, victimes d’une urbanisation galopante

L’urbanisation galopante de La Faute-sur-Mer et de L’Aiguillon-sur-Mer, les deux communes de Vendée les plus touchées par la tempête Xynthia, a commencé dans les années 1960 et s’est poursuivie à un rythme effréné jusque dans les années 1990.

Un petit condensé des “trente glorieuses” dont se souvient le géographe Jean Renard. Ce professeur émérite de l’université de Nantes, spécialiste du littoral vendéen, a assisté à cette dérive en expert, mais aussi en voisin puisqu’il a habité, pendant 35 ans, la commune proche de Talmont-Saint-Hilaire.

“Il y a 50 ans, ces terrains servaient de communal, du nom de ces sols alloués aux agriculteurs, qui, moyennant une petite rétribution, y menaient paître leurs bêtes”, raconte M. Renard. Ces terres agricoles, régulièrement inondées, abritaient aussi “des conches”, ces champs creusés dans le sable. Une petite paysannerie “y cultivait des pommes de terre, des fleurs ou encore de la vigne.” Instruits par l’expérience, les paysans connaissaient les risques et les dangers des inondations et ne construisaient “que sur des îlots surélevés”, comme celui du vieux bourg de L’Aiguillon ou encore l’îlot de la Dive, qui ont d’ailleurs été épargnés par les eaux, poursuit M. Renard.

Au-delà même de la mémoire humaine, et sans remonter à l’époque romaine où le Marais poitevin était une zone maritime, les recherches de l’historien Jean-Luc Sarrazin ont montré qu’au Moyen Age déjà, ces zones littorales étaient soumises à de brusques arrivées d’eau de mer. Ces vimers, conjugaisons de très fortes marées et de tempêtes, aboutissaient à des surcotes de marée de plus d’1,50 m, du même ordre que celles qui ont surpris les habitants dans la journée du samedi 27 février.

L’essor brutal de l’urbanisation à partir des années 1960 a balayé cette vie rurale respectueuse des caprices de la nature. “Les municipalités, souvent dirigées par des commerçants et des artisans, ont transformé ces terres agricoles en terrains à bâtir et n’ont pas su fixer les limites à la pression des particuliers et des promoteurs.”

En une vingtaine d’années, La Faute, L’Aiguillon et les communes au-delà ont été quadrillées “de parcelles de 400 à 500m²” pour y construire des maisons basses de style vendéen. Des constructions propres à satisfaire la demande d’un tourisme de masse, mais plus vulnérables que les grands immeubles qui bordent Saint-Jean-de-Monts ou les Sables-d’Olonne. “Avec des résidences secondaires deux à trois fois plus nombreuses que les résidences principales, des campings transformés en mobile homes, le littoral est devenu un lieu prisé par des retraités issus des couches populaires”, explique Jean Renard.

Cet appétit de construction a été servi par la géographie du lieu. “La côte est instable, d’une extrême fragilité”, ajoute le géographe, qui rappelle que “toute la basse vallée du Lay”, sur laquelle se trouvent les deux communes les plus touchées par Xynthia, “constitue un littoral très dynamique qui ne cesse d’avancer”, produisant des surfaces supplémentaires disponibles pour l’élevage, puis pour l’habitat.

“La commune de La Faute-sur-Mer a grandi de plusieurs dizaines d’hectares au cours des deux derniers siècles”, assure M. Renard. Un plan de prévention des risques a fini par être approuvé en 2007, entérinant le fait que nombre de constructions se trouvent en zone inondable.

Sont venues s’ajouter la mytiliculture et l’ostréiculture, pour le plus grand bonheur des résidents, mais qui fragilisent davantage les terrains. Un enchaînement qui, pointe le géographe, “forme un système” dont il sera probablement difficile de s’extraire.

Le Monde

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