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Après la crise financière, puis la crise économique, s’ouvre la vraie crise : la crise politique. Elle a commencé en Islande, en Irlande, la voilà en Grèce et dans le Massachusetts. Elle met les gouvernements entre deux feux, celui des marchés financiers, créditeurs des Etats, et celui des opinions publiques, à qui on demande maintenant de « payer » pour les pots cassés par ces mêmes marchés. L’issue de cette crise politique est aujourd’hui totalement incertaine.

Manifestation monstre du mouvement Tea Party, Washington, USA, 12 septembre 2009
Pour éviter le scénario de 1929, la Grande Dépression, les gouvernements ont adopté des plans de relance qui ont creusé les déficits (de 8-10 % des PIB).
Parallèlement, les autorités ont sauvé les banques en injectant des capitaux, rachetant des actifs « pourris » et garantissant les dépôts, pour des totaux par pays encore supérieurs, selon le « Financial Times » : 182 milliards de dollars en France, 669 en Allemagne, 1.476 milliards en Grande-Bretagne, 2.683 milliards aux Etats-Unis.
Cette politique a réussi, comme l’ont souligné le G-20, le FMI, l’OCDE ; seuls quelques élus républicains américains en doutent encore [N.B. : cette affirmation n’engage évidemment que son auteur… – La rédaction de Fortune]. Mais va venir le moment de faire machine arrière, d’installer la rigueur et de rembourser les dettes accumulées.
La première question est « quand commencer » ? La réponse est : pas encore maintenant. Mais les marchés s’agitent déjà, il est temps d’annoncer la couleur et de dire, clairement, quelles sont les « stratégies de sortie » qui seront mises en place à partir de… disons 2011.
Quelle sera l’ampleur des « ajustements » ? Considérable. Parce que la crise intervient à un moment où le vieillissement venait déjà mettre les finances publiques en péril dans les pays développés. Les deux s’additionnent.

Quelles solutions ? Il y en a trois. La première est la croissance. Après guerre, elle avait permis aux Etats-Unis de rembourser une dette qui avoisinait, alors, 300 % du PIB. En revanche, ni en France ni en Grande-Bretagne ce remède n’avait suffi. Aujourd’hui en Europe, à supposer même que la croissance repasse de 1,5 % (cette année) à 3 % l’an, elle ne parviendra pas seule à réduire la dette à moyen terme sans ajustements supplémentaires, selon les calculs de Laurence Boone (Barclays Capital). Et puis la croissance devrait être molle durant toute la décennie aux Etats-Unis comme en Europe.
Deux : l’inflation. Le débat divise les économistes. Pour une moitié la cause est entendue : l’aide aux banques, qui revient à faire tourner la planche à billets, va conduire à une hyperinflation comme dans les années 1970, et c’est le moyen le plus simple de ne pas rembourser les créditeurs. Pour une autre moitié, ce schéma est impossible tant que le chômage touche 10 % des populations et tant que la Chine pèse sur les prix, ce qui va durer.
Reste donc la solution trois : « l’ajustement », coupes drastiques dans les dépenses publiques et/ou hausses des impôts. C’est là qu’est le danger politique. En Grèce, une majorité comprend que le pays doit accepter la rigueur, mais les opposants plaident que : « quand même ! ce sont les golden boys qui ont failli et qui nous ont mis au chômage et voilà maintenant qu’ils exigent de réduire la protection sociale. Tout ça pour leurs bonus ! ».
On saura le 10 février, lors d’une grande manifestation à Athènes, l’écho de ce discours.

Mais il faut mesurer qu’il va devenir très populaire pour une raison claire : il sonne juste. Les citoyens, pas seulement en Grèce, ont le sentiment que les gouvernements ont versé des milliers de milliards aux banques « coupables » (confondant les aides aux banques et les plans de relance [N.B. : cette affirmation n’engage évidemment que son auteur… Bis. – La rédaction de Fortune]) et que maintenant ils leur présentent la note !

En réalité, les Etats étaient déficitaires avant la crise et une rigueur (moindre) était de toute façon inévitable [N.B. : cette affirmation n’engage évidemment que son auteur… Ter. – La rédaction de Fortune]. Les marchés peuvent aussi arguer qu’ils représentent les fonds de pension, c’est-à-dire les retraites des citoyens ! Une crise de génération affleure ici.
Mais, entre les exigences des marchés et la colère des opinions publiques, les gouvernements vont devoir naviguer très serré.
Le secteur financier, en particulier la banque, n’en sortira pas indemne. Il est délégitimé. Au fur et à mesure que le couperet de la rigueur va se faire sentir, la plainte populaire va obliger les politiques à faire subir aux banques un « contre-ajustement » douloureux. A la lecture du vote du Massachusetts, Barack Obama a commencé avec le plan Volcker. Le lobby bancaire peut bloquer cette loi, mais il y en aura d’autres, sans doute plus dures.
La crise politique ne peut que s’amplifier.
Les Echos
(Merci à SPOILER)

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