Fdesouche

Ben Bernanke court le risque d’être à nouveau élu “personnalité de l’année” en 2010 ou en 2011… Mais pour des raisons moins flatteuses que celles qui l’ont fait sacrer cette année. Parce que c’est un homme puissant dont on peut penser qu’il a contribué à éviter une dépression économique, le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed) s’est vu gratifié des honneurs de la couverture du magazine Time.

Pourtant, ni lui ni les autres membres du Comité de politique monétaire de la Fed (Federal Open Market Committee, FOMC) ne sont pressés de relever les taux d’intérêt, alors que l’économie américaine reprend des couleurs et que les premiers signes avant-coureurs d’inflation se sont manifestés. Cette posture est de plus en plus dangereuse.

La Fed parie gros en se fiant uniquement au jugement de M. Bernanke. Quelle que soit la mesure d’inflation retenue, les taux d’intérêt réels à court terme sont négatifs, et le sont de plus en plus. Le taux d’inflation futur induit à partir des bons du Trésor atteint maintenant 2,55 %, alors qu’il était quasiment nul il y a un an.

Les indices de prix à la production et à la consommation de novembre ont sensiblement augmenté. Les cours des matières premières et de l’or se maintiennent à un niveau élevé : l’indice CRB, qui mesure l’évolution du prix des matières premières, a bondi de 39 % en un an. Ces éléments n’ont pas l’air d’inquiéter M. Bernanke et ses collègues. Mercredi 16 décembre, le FOMC déclarait que l’anémie économique suffirait à tenir le spectre de l’inflation à distance.

A l’occasion d’une audition devant le Sénat, M. Bernanke avait aussi affirmé que le récent enchérissement de l’or n’était pas le reflet d’une élévation de l’inflation future américaine. Il avait expliqué que cette flambée était imputable à d’autres facteurs, comme l’évolution de la demande des industries de l’électronique, de l’automobile ou de la bijouterie.

Cette analyse ignore tous ces indicateurs, et pourrait contribuer à une accélération de l’inflation si la poussée exercée sur les prix s’avère plus forte que ce que le FOMC a prévu. Dès lors que la Fed est convaincue que l’économie peut supporter des taux d’intérêt très bas pendant un “temps prolongé,” il est à craindre qu’elle ne réagisse pas tout de suite aux nouveaux signaux précurseurs d’inflation qui apparaîtraient.

Si elle perdure, la politique de taux ultrafaibles de M. Bernanke – que Time encense parce qu’elle aurait permis d’éviter une “dépression catastrophique” – est susceptible de provoquer une sorte de stagflation. L’envolée de l’inflation serait alors tellement rapide qu’aucune mesure monétaire ne serait capable d’en venir à bout. Time souligne à juste titre que les décisions de M. Bernanke sont déterminantes. Aujourd’hui, il passe pour avoir fait ce qu’il fallait. Qu’il savoure ces éloges dithyrambiques, l’état de grâce pourrait ne pas durer.

Le Monde

Fdesouche sur les réseaux sociaux