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L’emploi public a progressé de 36 % depuis 1980, deux fois plus vite que l’emploi total. La Cour des comptes dénonce l’absence de stratégie de l’État et juge sévèrement la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Le gouvernement a l’habitude des remontrances de la Cour des comptes, mais celle-ci sera particulièrement difficile à encaisser. Dans un rapport thématique publié hier sur l’évolution de l’emploi public depuis 1980, la Cour critique avec virulence la réforme de l’État telle qu’elle est menée actuellement : la révision générale des politiques publiques et la sacro-sainte règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sortent pas indemnes.

« L’État se révélant incapable d’analyser les besoins et de programmer ses effectifs en conséquence, sa politique du personnel est dictée principalement par des considérations budgétaires de court terme », souligne Philippe Séguin, premier président de la Cour, qui voit dans la règle du « un sur deux » une « démarche purement quantitative », qui, in fine, « récompense les mauvais élèves ».

Cela ne peut que braquer les fonctionnaires : « Nous ne pouvons leur offrir comme seule perspective une rationalisation froide et permanente. » En outre, l’effet financier est limité (500 millions aujourd’hui) et va s’amenuiser : les départs en retraite vont se réduire fortement à compter de 2013.

Refonte plus ambitieuse

La Cour préférerait-elle l’immobilisme ? Elle appelle à une refonte beaucoup plus ambitieuse des politiques publiques et de la gestion des personnels, en commençant par « évaluer les attentes et besoins », puis en « revoyant les périmètres d’intervention » et « en simplifiant les structures administratives ». Le raisonnement s’appuie sur le bilan de ce que les gouvernements de gauche et de droite ont réalisé depuis trente ans. L’emploi public (État, collectivités, hôpitaux, établissements publics) a bondi de 36 % depuis 1980, à 5,27 millions, deux fois plus vite que la population ou que l’emploi total.

Cela représente 1,4 million de postes de plus. La progression a été beaucoup plus rapide pour les hôpitaux (+ 53 %) et les collectivités territoriales (+ 71,2 %) que pour l’État (+ 14,3 %), mais cela ne signifie en rien que ce dernier soit vertueux et que les autres soient laxistes. Malgré des transferts de compétence importants aux collectivités, « la décentralisation n’a entraîné aucune baisse ni même stabilisation des effectifs de l’État », note Philippe Séguin.

Les mêmes règles

Deuxième grief : quand ces effectifs ont commencé de baisser, ces dernières années, cela s’est accompagné d’une progression fulgurante (314.000 en dix ans) de ceux des opérateurs publics. Exemple : les musées ont embauché quand le ministère de la Culture gelait les postes, même chose pour les agences sanitaires créées dans les années 1990 avec le ministère de la Santé.

« Tout se passe comme si l’État gérait ses personnels sans tenir compte de l’évolution de ses missions ou des besoins, déplore Philippe Séguin. C’est comme un yo-yo qui ne cesserait de monter. » Alors que le poids de l’agriculture dans le PIB a été divisé par deux, les effectifs du ministère et des opérateurs ont doublé depuis 1980. Et « pour montrer à nos concitoyens qu’une politique est devenue prioritaire, on embauche des fonctionnaires à tour de bras. Le meilleur exemple est donné par l’évolution des effectifs de la police » qui ont progressé sans discontinuer, poursuit le premier président.

Les communes, de loin les plus gros employeurs territoriaux (plus de 1 million de postes), en prennent aussi pour leur grade : leurs effectifs se sont envolés de 50 %, ce qui « apparaît difficile à justifier puisque c’est l’échelon qui a été le moins bénéficiaire de transferts de compétence. » Ils auraient même dû diminuer pour compenser le développement des structures intercommunales.

Philippe Séguin salue néanmoins la volonté du ministre du Budget, Eric Woerth, d’appliquer aux opérateurs les mêmes règles qu’à l’administration. Mais il s’inquiète de sa capacité à agir au vu de leur essor (Pôle emploi dispose de 11 fois plus d’agents que le ministère) : « Un jour les enfants s’émancipent naturellement et vivent de leurs propres ailes. Il va sans dire que l’autorité parentale s’en trouve passablement affaiblie. »

Les Échos

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