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Lilian Thuram a créé la Fondation Education contre le racisme*. D’ici peu, la fondation offrira aux enseignants des outils pour éduquer efficacement contre le racisme. Très investi dans ce projet, il nous explique la philosophie et les fondements de ce qu’il élabore actuellement pour l’école.

Voir aussi : Lilian Thuram facture 20000 euros la leçon d’antiracisme d’une heure et demie…

Donc pour vous actuellement, l’éducation contre le racisme à l’école est insuffisante ?

Oui, par exemple, je vais souvent dans les écoles pour parler du racisme. Je demande aux enfants combien il y a de races. Malheureusement, ils répondent qu’il y en a plusieurs. Rien que ça, c’est la base du racisme. Ensuite, je leur demande de me dire les qualités de chaque race. Et là les enfants vous disent les qualités de chaque race. Nous sommes en 2009, vous voyez bien que le travail n’a pas été fait. C’est aberrant que les enfants ne sachent toujours pas qu’il n’y a qu’une espèce d’Homme, Homo sapiens.

Peut-être aussi parce que les enseignants n’ont pas les outils qui leur permettent de parler en classe avec sérénité du racisme -outils que votre fondation va leur apporter ?

Je l’espère ! Il faut procéder ainsi : au départ, laisser la parole aux enfants pour savoir ce qu’eux pensent du racisme. Puis, à nous d’amener les informations qui vont contredire leurs croyances. Nous préparons d’ailleurs un livre sur ce sujet. J’ai remarqué aussi que lorsque je pose cette question aux gens : quand est-ce que vous avez entendu parler des Noirs dans votre cursus scolaire pour la première fois ? Ils me répondent : à propos de l’esclavage. Or c’est cela qui nourrit l’inconscient. Si je vous demande le nom d’un scientifique, d’un mathématicien ou d’un explorateur noirs, que me répondez-vous ? Vous n’en savez rien. Et c’est parce que dans l’inconscient général, il n’y a pas ces représentations. Et qu’à aucun moment, une information ne les a apportées. Le jour où il y aura sur les murs des écoles et dans les livres des portraits de scientifiques, d’inventeurs, de philosophes de toutes les couleurs, alors l’imaginaire changera. Cela
sera important aussi pour lutter contre la victimisation : un enfant noir qui aura tous ces exemples positifs devant lui ne pourra plus se sentir victime de la société et pourra se dire plus facilement “c’est possible pour moi aussi”.

Votre fondation va donc proposer aux enseignants une méthode novatrice pour aborder efficacement le problème du racisme avec les élèves ?

Oui, et il faudra commencer par cette histoire de race, c’est fondamental, et déconstruire cela. Et expliquer pourquoi il y a des gens de couleurs différentes, car beaucoup de gens ne le savent pas. Puis faire comprendre que l’esclavage est juste un phénomène économique. Des Blancs ont été esclaves aussi.

En particulier pour les plus petits, au primaire ?

Oui, car pour eux, il n’est pas nécessaire de rentrer dans les détails, les images qu’ils verront sur les murs de la classe et dans les livres suffiront. A partir du moment où vous avez des idoles, les choses changent. L’élection d’Obama par exemple a changé beaucoup de choses : mon fils me demande ainsi pourquoi il n’y a pas eu de président noir avant, tandis que pour ma mère cela était absolument impensable. On se rend compte que l’imaginaire évolue là positivement, et nous, nous devons être assez intelligents pour accélérer le mouvement.

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(Merci à John)

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