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Il y a un sport qui fait fureur aux Etats-Unis : le « banker-bashing » (littéralement, le « cassage de banquier ou de financier »). La discipline est pratiquée un peu partout sur la planète, essentiellement par des commentateurs feignants et des politiciens démagogues, mais elle connaît depuis peu un renouveau dans un pays plutôt réputé pro-business.

Le « banker-bashing » fait des émules jusque dans les médias, qui passaient pourtant leur temps à chercher des « success stories » et semblent avoir pris du recul. Journalistes et commentateurs s’interrogent de plus en plus sur les raisons de la crise économique et désignent, parfois de façon caricaturale, les coupables sous les vocables de « banquiers », « financiers »…

L’opinion publique elle aussi se révolte, dans une Amérique où le banquier a toujours eu une bonne image, ce banquier qui octroie aux familles l’hypothèque et le crédit, étapes indispensables sur le chemin de l’American Dream.

C’est bien l’économie réelle qui a fait tomber le rêve américain : face à la reprise boursière et aux profits historiques de Wall Street, la réalité économique du pays paraît d’autant plus dramatique qu’elle touche toute la population.

Le taux de défaut des hypothèques (structure du patrimoine des ménages par excellence) reste élevé, le chômage frôle les 10%, et le moral est en berne car chacun sait que la situation va encore être difficile et pour un bon moment.

Si cette situation suffisait amplement à tourner l’opinion contre les banquiers, il y a ici des facteurs aggravants qui ne jouent pas en leur faveur. Wall Street bénéficie ainsi du TARP, le fonds de soutien au secteur financier ; ces milliards cédés quasi gratuitement et qui servent de coussin permettant d’absorber de gros risques.

C’est là l’origine des profits annoncés par les grandes banques d’investissement de Wall Street : des milliards gagnés au risque des contribuables et ensuite redistribués avec fracas sous la forme de bonus.

Parallèlement, les banques de dépôt comme Bank of America, celles qui contribuent directement à l’économie réelle, sont toujours en crise et peinent à se relever ; elles souffrent du ralentissement de la consommation, de la volonté de désendettement des ménages et surtout de nombreux défauts qui plombent les bilans.

Il suffit juste de voir les difficultés liées à la énième levée de fonds de BoA, ou bien l’annonce de la 100ème faillite de banque déclarée à la FDIC cette année, pour comprendre que Wall Street ne croit pas du tout à la reprise.

Devant cette situation, que les médias, l’opinion publique ou les politiciens condamnent « les banquiers » est compréhensible. Pire, des gourous du marché se mettent à les critiquer. George Soros a ainsi récemment dénoncé « les cadeaux injustifiés » que sont les profits de Wall Street.

Alors que l’administration Obama cherche à mettre son empreinte sur le système bancaire en musclant sa réforme, les banquiers sont en train de lui fournir un beau bâton pour qu’il puisse lui aussi se mettre à ce nouveau sport, le Banker Bashing, qui finira peut-être par inspirer la création d’un MBA spécialisé…

Pascal de Lima est économiste en chef chez Altran Financial Services et maître de conférences à Sciences-Po. François Ladsous est responsable du marketing chez Altran Financial Services.

Photo : Richard Fuld, président de la Lehman Brothers, chahuté lors de son audition devant une commission d’enquête après la faillite de la banque d’affaires (Jonathan Ernst/Reuters)

Altran Financial Services (via Rue89)

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