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Pôle emploi va-t-il connaître le même sort que France Télécom, qui a compté son 25e suicide le 15 octobre ? Le service public de l’emploi a connu plusieurs drames : un salarié a mis fin à ses jours dans son agence, cinq autres ont tenté de se suicider dont trois depuis septembre. Que se passe-t-il ?
Né en décembre 2008 de la fusion de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et des Assédic, le nouvel organisme s’occupe de l’indemnisation et du suivi des demandeurs d’emploi. Les 45 000 agents doivent pour beaucoup d’entre eux apprendre un nouveau métier et participer à la mise en place de sites mixtes regroupant l’ensemble des services pour les chômeurs. Problème : la crise économique a fait exploser le nombre de demandeurs d’emploi mettant encore plus sous pression les agents du nouveau service public.

Tous les syndicats appellent à la grève mardi 20 octobre pour dénoncer des conditions de travail qui “se dégradent de plus en plus avec le déploiement des sites mixtes” et avec “des objectifs quantitatifs inatteignables “, comme le suivi mensuel de demandeurs d’emploi. “C’est un scénario de type France Télécom qui se met en place, il est temps d’arrêter.

L’homme, qui s’est pendu en mars dans son agence de Saint-Quentin (Aisne), s’est confié à ses collègues dans une longue lettre relatant ses difficultés personnelles. “Comme en plus, c’est ma vie professionnelle que je ne peux plus assumer, je tire l’échelle“, a-t-il écrit, évoquant notamment “un directeur qui ajoute des tâches supplémentaires inutiles alors qu’on est déjà enfoncé jusqu’au cou“.
La direction a réagi en faisant valoir qu’il est toujours difficile de connaître les raisons d’un tel acte. “La proximité entre vie professionnelle et vie personnelle ne permet pas d’avancer une causalité unique“, dit Martine Arakilian, la chef du département conditions de travail de Pôle emploi. “Les changements actuels amènent à des situations de fatigue professionnelle. Or les personnes sont plus ou moins en capacité de résoudre les problèmes rencontrés au travail“, explique-t-elle, faisant état d’une montée des congés maladie.
Yassaman Montazami, psychologue clinicienne et responsable de l’équipe de l’Institut d’accompagnement psychologique et des ressources (IAPR) qui gère pour Pôle emploi une ligne téléphonique d’écoute pour les salariés, recense “ces deux dernières semaines, plusieurs menaces de suicide“. Les appels, qui durent de trente à quarante-cinq minutes, relèvent surtout de ce que l’IAPR a classé en “épuisement professionnel” et “conflits internes“.
C’est le cas de Gilles Durand, 39 ans, des services centraux à Rennes, qui est en congés maladie depuis un mois, pour “stress et déprime”. ” J’en ai ras-le-bol, on ne donne pas les moyens à mon service de fonctionner“, raconte-t-il. “Ma situation n’est pas isolée et elle illustre les prémices de ce qui se passe à France Télécom.” Un directeur adjoint d’une agence, qui préfère garder l’anonymat, explique : “On nous demande des objectifs inatteignables, je suis atteint de la culpabilité du chiffre.” Il raconte la tension de l’encadrement : “Dans les anciens staffs de l’ANPE et des Assédic, qui se regardaient en chiens de faïence, on savait qu’un des deux serait flingué avec la fusion.
A Narbonne, le cadre, agent d’exploitation, qui a tenté de se pendre le 14 septembre, était aussi sous pression. La secrétaire du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) régional, Jeanne-Hélène Lagoutte, syndicaliste à SUD, évoque, à son sujet, “la grande solitude des postes d’encadrement intermédiaire“. “La pression existe pour tous et les agents d’exploitation subissent ordres et contre-ordres“, estime-t-elle.
Dans les Pays de la Loire, où deux tentatives de suicide ont eu lieu dans des agences de La Roche-sur-Yon et de Saumur, la responsable du SNU-FSU met en cause l’organisation du travail. “Les ambiances sont tellement tendues, avec l’augmentation de la charge de travail, que des agents pleurent sur les sites“, relate Delphine Cara. Pour Jacques-Etienne Baumal, élu SNU au CHSCT, “la direction est enfin passée du stade du déni à la prise de conscience du mal-être“.
Le directeur général de Pôle emploi, Christian Charpy, dit être “plus à l’écoute de ces questions“. “La situation à France Télécom, avec des risques d’assimilation, doit nous rendre encore plus attentifs”, confie-t-il, conscient de la “surcharge de travail avec 600 000 chômeurs en plus” et du “malaise que génère la mise en place des sites mixtes, les changements d’encadrement et les évolutions de métier“. Résultat, M. Charpy a invité la question des “risques psychosociaux” au séminaire qui réunira 1 500 manageurs à Paris le 17 novembre. Cinq mille cadres de Pôle emploi aborderont aussi ce sujet lors de réunions régionales.
De son côté, Martine Arakilian peaufine un questionnaire sur les conditions de travail qui sera envoyé à tous les agents. Elle met aussi en place des indicateurs régionaux avec, notamment, le nombre de jours de grève par an, d’arrêts maladie, les demandes de temps partiel ou encore les tentatives de suicide. “Les événements dramatiques génèrent beaucoup d’émotions, explique Mme Arakilian. L’émotion est toujours juste, mais elle ne dit pas la vérité de toutes les situations.Le Monde

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