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Dans les couloirs de la Banque mondiale, on n’a pas trop le moral. Car, depuis cet été, son président Robert Zoellick a prévenu ses 186 États membres que, faute d’augmentation de capital d’au moins 3 milliards de dollars (2 milliards d’euros), la Banque n’aura plus, à partir de l’été 2010, les moyens de poursuivre son effort pour contrer la récession dans les pays en développement.

Le personnel de la Banque en veut à son patron de cette pénurie annoncée, alors que, de l’autre côté de la rue, le Fonds monétaire international (FMI), donné pour moribond il y a deux ans, vient d’obtenir en six mois un accroissement de ses réserves de 500 milliards de dollars.
Le personnel s’inquiète de la suspicion que manifestent certains pays européens à l’égard de la Banque, et notamment de la prise de bec qui a opposé, le 5 octobre lors de l’assemblée annuelle, l’institution à Istanbul, M. Zoellick à Douglas Alexander, secrétaire d’État britannique au développement international, qui lui reprochait de délaisser l’Afrique subsaharienne. Un signe de mauvais augure, le Royaume-Uni étant le premier bailleur de fonds de la Banque.

Le montant total des engagements de la Banque est passé de 29,9 milliards de dollars en 2005 à 58,8 milliards cette année.

M. Zoellick ne comprend pas le procès qui lui est fait. S’il n’a pas demandé de rallonge aux pays riches jusqu’à présent, c’est que “je ne voulais pas en réclamer avant d’être sûr d’en avoir besoin,”,dit-il. Or l’argent sort des caisses de la Banque à jet continu, tant la crise multiplie les demandes de prêts et de dons.
Comme l’a demandé le G20, promet-il, nous réaliserons les 100 milliards de dollars de prêts pour les pays à revenu moyen en trois ans, à travers notre Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD).” Il garantit que les pays pauvres qui relèvent de l’Association internationale de développement (AID), soit 42 milliards de dollars en trois ans, demeurent la priorité.
Plus 20 milliards de dollars en cours de programmation pour la sécurité alimentaire et 10 milliards par an pour les prêts de la Société financière internationale (SFI) au secteur privé, de plus en plus affectés aux entreprises des pays les plus défavorisés : M. Zoellick conclut de ces montants considérables que, si la crise se prolongeait, la Banque serait à court de moyens pour y faire face, durant l’été 2010.
Il demande donc une augmentation de capital de 3 à 5 milliards de dollars. Ce renfort permettrait de ne pas dégrader la notation AAA de la Banque et d’emprunter à bon compte entre 25 et 30 milliards de dollars pour prêter davantage aux pays à revenu moyen, via la BIRD. Il s’attendait d’autant moins à une levée de boucliers qu’une telle augmentation de capital coûterait, par exemple, à la France entre 26,5 et 44,1 millions de dollars seulement, par an et pendant cinq ans.
Du côté des pays donateurs, les griefs sont multiples. D’abord, leurs finances sont dans un piteux état. L’argent confié au FMI vient des caisses des banques centrales et pas des budgets, alors que le capital affecté à la Banque est d’origine budgétaire et doit être justifié devant les Parlements, ce qui peut se révéler laborieux.
Ensuite, en 2010, la Banque fera la quête, comme tous les trois ans, pour renouveler son enveloppe de l’AID d’une quarantaine de milliards de dollars dédiée aux pays pauvres. Les donateurs veulent pouvoir choisir, d’autant que les autres banques multilatérales (Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Banques africaine et asiatique de développement, Banque interaméricaine de développement) réclament, elles aussi, des fonds.
Nous ne pouvons donner à tout le monde !” explique-t-on à Bercy, où l’on souligne que la Banque a toujours un confortable ratio prêts sur capital de 35 % et qu’elle prête à perte aux pays émergents. Autrement dit, la Banque doit revoir ses calculs.
Quelle est votre stratégie ?” ont demandé les ministres français et britannique. “Nous voulons être convaincus que vous luttez toujours en priorité contre la pauvreté“, a dit Christine Lagarde, la ministre française de l’économie, à M. Zoellick. Plus mordant, M. Alexander a dénoncé le fait “qu’au Rwanda, au Malawi, en Sierra Leone et en Zambie, les prêts de l’AID sont en baisse de 20 %.
En clair, ils soupçonnent la Banque de vouloir plus d’argent pour les pays émergents, alors qu’eux voudraient que les plus pauvres soient privilégiés. Un vrai choix stratégique qu’élude M. Zoellick, en voulant satisfaire les deux clientèles par des canaux différents, la BIRD et l’AID.
Il est une version plus politique de cette querelle. “Aux assemblées annuelles, les 186 États membres se sont mis d’accord sur la nécessité de transférer aux pays en développement au moins 3 % des voix au printemps 2010, souligne un cadre de la Banque. Cette opération se fera en partie au détriment du pouvoir des Européens. En mettant en avant les besoins des pays pauvres, l’Europe veut rappeler son poids prépondérant dans l’aide mondiale et signifier qu’elle n’acceptera pas de se voir marginalisée.Le Monde
(Merci à Gilles Bates)

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